Paris, 22 nov[embre] [18]78, vendredi matin, 7 h.
Cher, cher grand bien-aimé, sois béni, je t’adore ! La joie a des insomnies comme la douleur. C’est pourquoi, cher bien-aimé, celle (joie) que tu m’as faite hier en me constituant gardienne de ton portrait et de ceux de tes enfants m’a causé une si grande émotion que je n’ai pas pu m’endormir avant trois heures ce matin. J’étais si fière, si heureuse et si reconnaissante de cette marque de tendresse que j’aurais voulu pouvoir passer ma nuit à genoux près de ton lit pour t’en remercier et pour te bénir. Tu as donc deviné que j’osais le désirer, ce cher grand beau portrait de famille, sans espoir de le posséder jamais et tu es venu au-devant de ce désir en m’en confiant la garde ? Merci, pour ta divine bonté, merci pour l’honneur que tu me fais, merci pour cette marque d’amour qui efface tous mes chagrins. Sois béni ! Sois béni ! Sois béni !
J’espère que cette bonne action t’aura, à l’encontre de moi, fait passer une très bonne nuit. J’attends de tes bonnes nouvelles dès que je pourrai te porter moi-même le bonjour et te dire le mot suprême : je t’adore.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 187
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]