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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 février [1846], mardi matin, 10 h. 

Bonjour mon aimé, bonjour mon Victor adoré, bonjour mon doux Toto, bonjour je t’attends, je te désire et je t’aime. Je t’ai écrit hier après que tu as été parti. J’avais le cœur trop plein de reconnaissance et d’adoration pour ne pas l’épancher au dehors de moi. Il me semble impossible tous les jours de t’aimer et de t’admirer plus que je ne le fais, et tous les jours ce sont de nouveaux motifs pour t’aimer et t’admirer davantage. Je ne sais pas traduire ce que je pense, mon cher petit homme, et cela me gêne beaucoup quand je t’écris. Mais il y a au-dedans de moi une âme qui t’adore dans tout ce que tu es et dans tout ce que tu fais.
Il y a encore aujourd’hui treize ans que je t’ai dit ces choses là pour la première fois. T’en souviens-tu mon Toto ? Oh ! Moi je n’ai rien oublié et je sens encore sur mes lèvres la saveur de tes baisers. Je retrouve une à une toutes tes caresses et je pourrais redire, sans en omettre une seule, toutes les douces et délirantes paroles que tu m’as dites ce jour-là. Mon cœur et ma mémoire en ont fidèlement et pieusement gardé le souvenir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 193-194
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


24 février [1846], mardi soir, 4 h. ¼

J’aurais désiré passer cette journée avec toi, mon doux aimé, mais pas dans la rue, pas dans la foule et dans la cohue du mardi-gras. Cependant j’aurais fait taire mon antipathie pour ce genre de divertissement pour être avec toi, si j’avais été prête. Mais quand tu es venu je n’avais fait encore que ta tisane. Force m’a donc été de renoncer à la seule chance que j’eusse de te voir quelques heures dans la journée. Depuis ce moment-là, j’ai le cœur bien gros et je me retiens de pleurer pour ne pas attrister davantage un jour qui a été une fois le plus beau de ma vie [1]. Si tu étais bien gentil tu reviendrais passer le reste de la journée auprès de moi jusqu’à l’heure du dîner. Mais je n’y compte pas car je sais combien le besoin de marcher est impérieux pour toi. Jour Toto, jour mon cher petit o Juju est bien geaie, voime, voime avec une pipe et des bas rouges en l’honneur du Carnaval. Vous ne me donnez toujours pas à copier, vieux vilain Chinois, vous avez peur de me faire trop de plaisir à la fois. Vous me ménagez, c’est bien délicat et charmant à vous, mais je suis assez ingrate pour ne vous en avoir pas la moindre obligation, au contraire, et si j’osais je chargerais mes griffes de vous en témoigner ma reconnaissance. En attendant, je baise humblement votre museau c’est pour mieux le mordre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 195-196
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le 19 février 1833, mardi-gras, Hugo a renoncé à un bal d’artistes où il était invité pour passer la soirée avec Juliette Drouet.

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