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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 24 octobre 1856, vendredi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour, mon cher petit souffrant, bonjour, comment vas-tu aujourd’hui, mon pauvre doux adoré ? Si j’en juge d’après la lenteur de ton messager à m’apporter de tes nouvelles hier, je ne suis pas encore près de savoir où tu en es de ton affreux clou [1] et comment tu as passé la nuit. Pourtant, Dieu sait que chaque minute de retard me faita un siècle d’inquiétude et de tristesse. Pauvre, pauvre adoré, je te supplie, dans l’intérêt propre de mon bonheur, de venir, de prendre tout le temps de te guérir et de ne pas augmenter ton mal par pitié pour moi, en devançant le moment où tu pourras sortir et remarcher sans imprudence et sans danger de rechute. En attendant, je ferai comme je pourrai en t’aimant avec un redoublement de tendresse et de sollicitude. Je n’ose pas t’envoyer mes gribouillis par le citoyen Kesler, dans la crainte de te contrarier. Pourtant, il me semble que je serais moins loin de toi et moins tourmentée si je pouvais pénétrer jusqu’à toi sous cette forme peu séduisante de RESTITUS. Jusque là, je tâche d’employer mon temps à faire arranger ma petite maison ; aujourd’hui, j’ai le COUTURIER pour les deux tapis. Tantôt, il faudra que j’aille acheter des garde-cendresb. Et puis je t’aime, je te plains, je t’adore.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 258
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « font ».
b) « gardes-cendre ».


24 octobre 1856a, vendredi après-midi, 4 h.

Mon adoré, il faut absolument que tu tâches de me faire donner de tes nouvelles plus tôt si tu ne veux pas que la tristesse de ton absence et l’inquiétude de te savoir souffrant ne dégénèrent en vrai chagrin et en tourment intolérable. J’ai beau me dire que ton bobo n’est pas dangereux, l’éloignement et le silence suffisent pour me rendre tout suspect et douloureux. Vraiment, mon bien-aimé, tu devrais prier M. Kesler de venir me tranquilliserb ou trouver un autre moyen de communication plus exact et plus prompt que ce gros démocrate aussi insouciant de la tranquillité des autres qu’il est plein de sollicitude pour sa grosse personne. Je suis furieuse contre lui et je ne trouve pas d’autre moyen de m’en venger qu’en lui faisant porter ce gribouillis en personne. Mais tout cela ne me dit pas comment tu vas et quand je te verrai. Soigne-toi, aime-moi, plains-moi.c

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 259
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) La date a été rajoutée ultérieurement sur le manuscrit.
b) « tranquiliser ».
c) La dernière page contient le cachet « Monsieur Victor Hugo ». Sur les deux pages suivantes apparaît l’enveloppe adressée à « Monsieur V. Hugo ».

Notes

[1« Clou » : furoncle.

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