26 mai 1856

Guernesey, 26 mai 1856, lundi après-midi, 2 h.

Je t’aime, mon Victor, malgré mon état malingre et grognon je t’aime. Tâche de ne pas attacher d’importance à un petit accès de tristesse qui tient évidemment à l’état de ma santé dans ce moment-ci. Tu es mille fois bon pour moi et je t’aime qu’est-ce que je peux désirer de plus ? Toute cette petite hypocondrie s’en ira comme elle est venue, l’important est de n’y pas faire attention. Quant à moi, je sens déjà que je suis hors du nuage et j’espère qu’il ne restera plus rien sur mon bonheur d’ici à ce soir. Même si tu veux nous ferons une petite promenade soit avant soit après ton dîner. En attendant je tâche de n’avoir plus mal à la tête ni ailleurs. Dès que le beau temps sera décidément à l’ordre du jour nous recommencerons nos petites excursions traditionnelles même pendant l’absence de Suzanne, vous me donnerez MON JOUR. Du reste je ne sais pas ce que je ferai de tous les autres en tant^a que nourriture et que cuisine du moment où tu m’interdis la Couronne Hôtel. Encore si je n’avais pas Fouyou je m’en ficherais avec une tranche de jambon soir et matin mais la pâtée du susdit demande d’autres rogatons aussi je suis assez embarrassée de nos deux existences tout le temps de l’absence de Suzanne. Quand je dis embarrassée c’est une manière de parler car au fond cela m’importe médiocrement. Ce qui m’importe plus que tout au monde c’est que tu ne sois pas las et mécontent de moi, c’est que mon amour ne te soit pas un fardeau.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16377, f. 156
Transcription de Chantal Brière

a) « temps ».