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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 février [1839], vendredi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon petit homme chéri. Vous ne voulez donc plus venir jamais de la vie ni des jours ? Tout le temps que j’ai eu de l’argent, vous n’êtes pas venu et à présent vous prenez le prétexte que je n’en ai plus pour ne pas venir, c’est très vicieux et pas amusant. Je vous écris sur du très joli papier que m’a acheté ma bonne, je ne sais trop pourquoi, à moins que ce ne soit pour me faire avoir une SCÈNE. Comme elle est au marché, je n’ai pas pu en avoir l’explication mais la voici qui rentre, je vais l’INTERROGER : le papetier n’avait plus de papier bleua de la dimension ordinaire et il en a donné du petit à condition [1]. Au reste, plié en deux, c’est le même format : mais pour écrire ou prendre des notes, ce ne serait pas commode. Pendant que ma bonne était au marché, il est venu le frère de cette pauvre François. Je ne lui ai parlé qu’à travers la serrure car j’étais enfermée à double tour. Il venait savoir si j’avais traité avec sa sœur et comment. Tu verras la réponse qu’il y aura à faire car il m’a laissé son adresse en me priant de dire à Mme [illis.] de lui faire réponse tout de suite. Il paraît qu’il ne m’a pas [illis.] puisqu’il m’a dit à deux fois différentes de me prier de lui répondre, du reste on est toujours sans nouvelle certaine sur cette malheureuse femme.
Je t’aime mon Toto, mets-toi ça dans ta chère petite caboche et dans ton bon petit cœur. Je t’aime, je t’adore. Mais je vous en veux de ne pas venir et je suis triste et jalouse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 187-188
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « bleue ».


22 février [1839], vendredi soir, 4 h. ½

On ne sait plus par quel bout vous prendre, mon petit homme et vous ressemblez comme deux gouttes d’eau à un bâton des plus voilà… Depuis que vous êtes parti je ne suis occupée qu’à laver vos horreurs. Si vous croyez que ça sent bon et que c’est agréable, vous vous trompez. Oh ça. J’espère que vous ne resterez pas jusqu’à minuit sans revenir. Ce serait bien le diable si vous ne veniez chez moi que pour vous désem… etc. C’est absolument comme le théâtre de la Renaissance, on ne les voit que lorsqu’ilsa sont beurrés d’Olivier [illis.], de roi Margot, du parricideb, du jugement dernier et de merde. Malheureusement toutes les eaux de Cologne du monde ne pourront les désinfecter et je vous conseille de n’y pas essayer pour votre compte. Parlons peu et parlons mieux : est-ce que vous comptez me tenir encore longtemps toute espèce de bec dans l’eau ? Est-ce que vous croyez que je peux vivre comme ça encore longtemps ? C’est qu’aussi c’est par trop excessif et je commence à croire que vous n’en êtes pas à vous refuser d’un autre côté tout le bonheur que vous ne me donnez pas. Je suis très montée contre vous et il faudra que vous en décousiez joliment pour vous réhabiliter dans mon esprit. En attendant, j’ai la lâcheté de vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 189-190
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « il ».
b) « paricide ».

Notes

[1À condition : à crédit

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