Guernesey, 5 décembre 1857, samedi soir, 5 h.
S’il suffisait de s’asseoir à votre place et de prendre votre papier, votre plume et votre encre pour écrire comme vous, mon cher petit homme, comme vous seriez attrapéa ! Mais, hélas ! j’ai beau faire les mêmes singeries que vous, je n’en suis que plus bête encore, ce qui m’humilie affreusement. Il est vrai que vous avez l’air de ne pas vous en apercevoir, ce qui est encore plus honteux pour moi qui ne peuxb pas être dupe de votre aveuglement volontaire. Taisez-vous, mon cher petit menteur, et continuez de m’aimer les yeux fermés jusqu’au jour où vous pourrez voir mon amour dans toute sa beauté. En attendant il redoublera d’effort pour laisser passer le petit bout de son oreille sous la peau d’âne qui le déguise ce qui ne sera pas facile. Je suis heureuse de la pensée de sortir avec toi ce soir, mon cher bien-aimé, car je me suis reproché de t’avoir privé hier d’une promenade que tu [trouves ?] utile à ta santé. Dorénavant cela ne m’arrivera plus, fît-il un temps de chien, par la pluie et avec le vent, tellec est ma résolution bien arrêtée. Maintenant c’est à toi d’en user et d’en abuser autant que tu voudras et autant que [ça ?] te fera du bien. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 218
Transcription de Chantal Brière
a) « attrappé ».
b) « peus ».
c) « tel ».