Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1856 > Février > 6

Guernesey, 6 février 1856, mercredi matin, 10 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime. J’ai été interrompue hier au milieu de mes tendres épanchements de tendresse et de confiance et je le regrette car le cœur a, comme l’esprit, ses heures d’heureuses inspirations des choses saintes et sacrées de l’amour qui ne se retrouvent pas toujours en temps opportun comme c’eût été celui d’hier si je n’avais pas été malencontreusement dérangée. Ce n’est pas que je ne sois pas dans la même disposition d’âme, mon cher adoré, bien loin de là, mais je ne peux pas m’empêcher qu’il n’y ait entre le premier verset pieux de mon cœur au tien un intervalle de douze heures. Cependant, mon cher petit homme, je reprends ma confiance où je l’avais laissée et je te dis de nouveau et dans toute la sincérité de mon âme, je me crois suffisamment cuirassée contre toutes les terreurs de la jalousie injuste et absurde par les paroles si pleinesa de bonté et de tendresse que tu m’as dites hier. Ainsi ne te priveb pas, ne NOUS prive pas de la société d’une femme aimable, spirituelle et incapable je l’espère d’aucune lâche trahison. Si pourtant, après tout ce que je viens de te dire, tu ne te crois pas suffisamment rassuré contre les inquiétudes soupçonneuses de mon pauvre cœur si cruellement éprouvé déjà, je te laisse entièrement libre de faire ce que tu voudras pour mettre ton repos et mon bonheur à l’abri de tout danger. Seulement n’oublie pas que si cette Dame doit revenir dans l’île, comme cela paraît être certain, que la meilleure garantie de ma tranquillité et de la tienne serait qu’elle demeurât chez moi. Cela a été ma première pensée dès le premier jour où il a été question du retour de cette dame parmi nous et je n’en aic pas changé depuis, au contraire, je m’y cramponne comme à ma seule planche de salut. Maintenant, mon Victor, que je t’ai ouvert mon cœur comme à mon Dieu, aie pitié de ma faiblesse et ne dédaigne pas la confiance vénérable que je t’apporte avec tout l’amour de mon [âme  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16377, f. 46-47
Transcription de Chantal Brière
[Souchon, Massin]

a) « pleine ».
b) « prives ».
c) « n’ai ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne