Paris, 27 décembre [18]73, samedi matin, 9 h.
Cher bien-aimé, il n’a pas dépendu de mon cœur et de mon âme que tu aies eu une meilleure nuit que celle que tu viens de passer, car jamais je ne t’ai plus aimé que pendant cette triste et longue nuit. Jamais je n’ai mieux senti la sainte tendresse de mon amour pour toi. Jamais ma prière n’a été plus ardente et plus convaincue que celle que je disais à Dieu pour toi pendant ton insomnie. Jamais je n’ai imploré avec plus de sollicitude la sublime pitié de toutes nos chères âmes d’en haut pour les douleurs surhumaines sous lesquelles tu ploies aujourd’hui. Jamais je ne t’ai plus admiré, plus vénéré et plus adoré qu’en ce moment. Je voudrais te le dire à genoux et baiser les plaies de ton cœur martyrisé une à une. Jamais tu ne sauras ma dévotion pour toi, mon divin bien-aimé, à moins que les âmes ne se montrent au ciel visibles pour l’homme aimé comme pour Dieu.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 359
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette