Guernesey 29 mai [18]73, jeudi soir, 3 h. ¼
Cher bien-aimé, j’étais levée à six heures et toi aussi et peut-être même beaucoup plus tôt que moi ce qui n’empêche pas que je sois en retard pour ma chère petite restitus tant je suis empêtrée dans les ouvriers et dans les démolitions à ne savoir où donner la tête. Jamais je ne me suis trouvée à pareille fête. Aussi j’en suis tout ahuriea et tout hébétéeb. Je n’ai de sain, de bon, de tendre et de doux que mon amour pour toi. Tout le reste n’est que décombre dans ma tête comme dans ma maison. Je pense que tu dois être plongé dans les nouvelles jusqu’au cou. Il est probable que ton fils et tes amis t’auront écrit aujourd’hui. Quant à moi je souhaite plaie et bosse à la droite pourvu que ceux que nous désirons et que nous aimons soient forcés de venir se mettre à l’abri chez toi le plus longtemps possible. Telle est ma politique et pour moi elle en vaut bien une autre et même toutes les autres. Je désire qu’on flanque Petit Georges et Petite Jeanne à la porte de la France et qu’ils soient internés à Hauteville House au cri de Vive la France ! Cela te va-t-il ?
BnF, Mss, NAF 16394, f. 158
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « hahurie ».
b) « hébêtée ».