Guernesey 6 mai [18]73, mardi 3 h. après midi
Cher adoré, levée à des heures inconnues et impossibles ce matin je n’ai pas eu celle, d’heur, de te voir et j’ai dû entrer séance tenante dans mes fonctions de ménagère qui m’ont menée jusqu’à maintenant. Cependant je ne veux pas quitter la maison pour la promenade avant de t’avoir bâcléa ma pauvre petite restitus d’amour. C’est pourquoi je fais force de voile et de pattes de mouches pour arriver le cœur content et sans reproche à l’heure exacte pour la voiture. J’espère que tu auras reçu de bonnes nouvelles de ton groupe aujourd’hui qui confirmeront celles que m’envoie Louis [1] et que je te lirai ce soir si tu veux bien.
Entre temps, comme on dit en Belgique, je te préviens que je dois 36 F. à Suzanne dont 12 F. donnés aujourd’hui à Ambroisine pour sa dépense et pour son mois échu. Je t’en donne avis parce qu’il paraît que c’est à peu près tout ce que Suzanne a de disponible comme argent, son or étant confisqué par sa paillasse.
Cela dit, mon adoré, je n’ai plus qu’à te donner mon corps, mon cœur et mon âme, prends-les.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 125
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « bâcler ».