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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 avril 1836

8 avril [1836], vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour mon bon petit homme chéri, je voudrais bien savoir comment va ton bobo ce matin. Je voudrais savoir si tu m’aimes et si tu penses à moi.
Quant à moi, cela va sans dire que je t’aime et que je pense à toi, et que je rêve de toi, et que je te désire, et que je t’offre toutes les PRIMES que tu voudras pour t’avoir une seule minute plus tôt.
Je regarde sans cesse ma grande place vide et je sens plus que jamais le besoin de la remplir avec votre belle petite image. Si tu savais, mon cher bien-aimé, comme je l’aimerai, comme j’en aurai soin, comme elle sera, après toi, la chose la plus précieuse et la plus aimée de ma vie, tu trouverais un moyen de me la donner n’importe à quel prix.
Certainement ton portrait ne pourra jamais me tenir lieu de toi. Mais ce sera comme la bougie qu’on allume pour ne pas rester dans une obscurité profonde, quand le soleil se cache derrière l’horizon.
MON SOLEIL, C’EST TOI, mon amour, mille fois plus beau et plus rayonnant que lui. Ma nuit, c’est ton absence. Moi, je n’ai pas d’étoiles pour me guider dans mon ciel, il me faut donc une lumière quelconque. Eh ! bien, cette lumière ce sera ton portrait. Je t’en prie, mon cher adoré, trouve un moyen. Je ne t’en aimerai pas plus parce que c’est impossible. Mais j’aurai moins de chagrin et plus de résignation à supporter tes absences chaque fois qu’elles seront indispensables. Je t’aime, mon Victor.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 282-283
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


8 avril [1836], 8 h. ¼ du soir, vendredi

Je sens la trahison et pas du tout la chair fraîche. Je vous préviens de vous tenir bien sur vos gardes, car j’ai les dents et les ongles d’une bonne longueur. M’en avez-vous assez fait de traits aujourd’hui, dites ? Non, ne le dites pas, car vous vous feriez dévisager à dents et ongles que veux-tu. Malgré toutes vos trahisons, malgré et peut-être à cause de toutes vos noirceurs, je vous aime, comme on aimerait un pauvre ange du ciel. Cependant, il y aurait bien des choses à en rabattre si je n’étais pas la femme la plus abusée qu’il y aita.
Je pense que monsieur Richi a eu à point nommé le besoin de vous barbifier ce soir, jour où vous êtes forcé par état d’aller rendre une visite à votre comédienne, comme vous l’appelez [1]. En vérité, en vérité, je vous le dis, toute votre conduite à un parfum d’intrigue qui me monte au cerveau et qui pourrait bien me mener tout droit, rue du Mont Thabor, 42 et même à la diligence [2].
Voyez-vous, mon Toto chéri, vois-tu, mon petit homme adoré, vois-tu, mon cher petit bijou précieux, il ne faudrait pas te moquer de ta pauvre Juju qui t’aime tant, ni la trahir même en CROU, CROU, CROU parce que c’est toujours de la trahison.
Je t’aime tant, mon cher petit Toto, c’est si vrai, si vrai qu’il y aurait vraiment honte à en abuser. Tu ne sais donc pas que je t’adore, moi, Juliette ?

BnF, Mss, NAF 16326, f. 284-285
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

a) « est ».

Notes

[1On n’identifie pas précisément la comédienne dont Juliette Drouet est jalouse. Est-ce Mlle Mars ou Marie Dorval, qui ont créé les deux rôles féminins d’Angelo tyran de Padoue l’année précédente, ou une autre encore ?

[2On avoue ne pas comprendre. De même pour le « crou, crou, crou » qui suit.

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