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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 avril [1847], mardi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit homme bien-aimé, bonjour, mon doux être ravissant, bonjour, mon pauvre aigle fatigué, bonjour des yeux, des lèvres, de la pensée, du cœur et de l’âme.
Comment vas-tu ce matin ? Es-tu un peu reposé ? As-tu bien dormi ? Que fais-tu en ce moment ? À qui penses-tu et qui aimes-tu ? Je voudrais pouvoir regarder dans votre cœur à tous les instants du jour et de la nuit pour m’assurer de tout ce qui s’y fait, de tout ce qui s’y passe. Je vous assure que je serais une bonne geôlière et que je ne m’endormirais pas facilement si j’avais la garde de votre cœur. Il est vrai que ce ne serait pas le moyen de me faire aimer davantage mais c’en serait un de vous empêcher d’en aimer d’autres, ce qui ne me serait pas désagréable. Taisez-vous et prenez garde à moi.
Puisqu’ils sont dans l’album [1] vous aurez la bonté de me les apporter tous afin que je puisse choisir parmi tous celui qui me conviendra, au risque de m’embarrasser beaucoup car je suis sûre qu’ils me conviennent tous. Si je pouvais avoir assez de toupeta pour les garder tous à votre nez et à votre barbe, quel bonheur ce serait pour moi et quelle bonne mystification ce serait pour vous. Ce serait à mon tour de vous dire : — Puisqu’ils sont dans l’album. Malheureusement, je ne suis pas assez forte et je ne pourrai pas lutter avec votre vigoureuse poigne. Il faut que je me résigne à les laisser dans l’album jusqu’à la première occasion que je trouverai de m’emparer des susdits albums. En attendant je me résigne et je vous aime.

Juliette

MVH, α 7884
Transcription de Nicole Savy

a) « toupets ».


13 avril [1847], mardi après-midi, 2 h. ¾

Quel vilain temps, mon cher petit homme. Cependant j’irai te chercher tout de même si tu le permets. J’ai trop peu d’occasions d’être avec toi pour en manquer une sous prétexte de mauvais temps. J’espère que tu vas venir baigner tes yeux et que je… Te voilà…
Mon Dieu que je suis fâchée de t’avoir dit que je n’avais pas de parapluie. Mais aussi je suis stupide car j’aurais bien dû penser qu’avec ta chevalerie ordinaire tu te ferais mouiller jusqu’aux os plutôt que de m’exposer à recevoir une goutte d’eau sur ma bosse de Juju. Je suis furieuse contre moi. Et si tu dois être mouillé à cause de ma bête de confidence je ne me le pardonnerai pas. D’ailleurs j’aurais pu tant bien que mal faire un zig-zag à mon parapluie. Je te dis que je suis un être absurde. Taisez-vous aussi c’est votre faute, pourquoi est-ce que vous vous mêlez de ce qui ne vous regarde pas ? Une autre fois je serai muette comme un poisson, quand je devrais comme eux nager en pleine eau. En attendant, tâchez de marcher comme les Hébreux dans la mer Rouge. D’ailleurs je crois que le bon Dieu va récompenser votre action vertueuse en vous faisant un temps magnifique. Voici déjà que le soleil luit. Merci, Dieu, merci mon bon Dieu, vous êtes bien bon. Je vous aime de tout mon cœur qui est à mon Toto.
Je vais me dépêcher de m’habiller et de me coiffer pour aller t’attendre chez Mlle Féau. Je voudrais bien que nous trouvassions une autre station car celle-là n’est rien moins que drôle. Cependant je m’estime très heureuse de l’avoir à défaut d’autre.

Juliette

MVH, α 7885
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1À élucider.

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