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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 26 février 1877, lundi, midi ½

Cher bien-aimé, il me semble, dans cette démonstration unanime d’admiration et d’adoration dont tu es l’objet plus particulièrement encore aujourd’hui que les autres jours, que c’est avec mon cœur et avec mon âme qu’on l’a faite, tant les sentiments qu’on t’exprime en haut, en bas, en prose, en vers, avec vénération, en admiration et en adoration sont pareils aux miens. Je ne me plains pas de ce plagiat, au contraire je le bénis puisque cela me permet de t’aimer à moi seule autant que tous les cœurs et que toutes les âmes réunis [1].
À regret, mon cher adoré béni, j’interromps mon hymne d’amour pour aller recevoir les deux Allix [2] qui viennent d’arriver. Depuis ce matin je n’ai pas eu une minute de répit pour te donner mon cœur ainsi que tu pourras en juger quand tu verras la quantité de lettres et de journaux, de télégrammes, de bouquets et de cartes qui sont venus depuis ce matin ; ça serait effrayant si ce n’était pas si charmant, si doux et si mérité. Puis je me suis habillée pour t’accompagner, non sans avoir donné audience à la blanchisseuse et à la cuisinière. Puis me voilà à tes genoux comme devant mon grand Dieu adoré et béni dont je baise les pieds étoilés.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 59
Transcription de Guy Rosa


Paris, 26 février 1877, lundi soir

Je ne veux pas démordre de mes anciennes, bonnes et douces habitudes qui sont de profiter de tous les glorieux anniversaires pour t’aimer immodérément et à cœur joie. Aussi n’y manquerai-je pas encore aujourd’hui et sans craindre de te fatiguer de mon amour. C’est déjà beaucoup trop généreux de ma part d’avoir le triste courage de ne pas te réclamer les quelques lignes de consécration que tu avais coutume d’écrire dans mon livre rouge à la date de ta naissance à côté de celle de notre bonheur. Mais je sens que tu plies sous le fardeau de ton génie et sous celui de ta gloire et je ne veux rien y ajouter, pas même le poids de mon âme qui te sourit et qui te bénit. Avant tout, mon adoré bien-aimé, je veux t’épargner tous les ennuis et toutes les fatigues que je ne peux empêcher. Je ne relis pas ce gribouillis parce qu’il est probable que je le trouverais encore plus bête que les autres et que je n’oserais pas te le donner ce soir. D’ailleurs je suis trop pressée pour cela. Léonard, le peintre, vient de t’envoyer une couronne qui pourrait couvrir aisément le rond-point des Champs-Elysées. Quel dommage qu’il soit si Be…lge, et comme cela me va bien de le critiquer !!! Heureusement que c’est sans conséquence pour lui et pour moi et que je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 60
Transcription de Guy Rosa
[Souchon]

Notes

[1Le Carnet rend ainsi compte de ces festivités : « J’ai aujourd’hui soixante-quinze ans. La nouvelle série de La Légende des siècles paraît aujourd’hui.
– Dîner et soirée pour mon jour de naissance. Nos convives du dimanche, plus Paul Foucher, Lesclide et Lockroy. Au dessert, Jeanne s’est levée et a dit :
– Moi la plus petite,
Je bois au plus grand.
Et elle a ajouté :
Silence, – La parole, – papapa. – Vive Victor Hugo.
– Le soir foule. La maison est pleine de bouquets. » (CFL, t. XVI-XVII, p. 880)

[2Hugo fréquente très régulièrement le médecin Émile Allix.

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