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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 janvier [1847], lundi soir, 10 h. ½

Quand je te prie avec tant d’instances de me donner tous les moments dont tu peux disposer, même les plus petits, c’est que je sens, mon doux adoré, que c’est de la vie que je te demande. Quand je suis un jour sans te voir il me semble que j’ai perdu une année de mon existence. Je ne peux pas bien t’expliquer cela mais mon cœur meurt loin de toi. Je n’espère pas te voir ce soir à cause du temps, de l’heure et de ta toilette. Je te promets d’être bien courageuse et bien résignée. De ton côté, mon bien-aimé, aime moi plus que de tout ton cœur et de toutes tes forces car j’en ai plus besoin que jamais.
Je ne veux pas que tu t’inquiètes des attendrissements qui m’échappent chaque fois que je me sépare de toi et que je te parle de mon indisposition qui à tout prendre n’est rien. D’ailleurs je n’ai pas peur de la mort, j’ai peur que tu m’oublies. Voilà ce qui fait mon effroi et ce qui ferait mon enfer dans l’autre monde, mais si j’étais sûre d’être plus aimée, moi morte, je demanderais au bon Dieu de me faire mourir tout de suite. Ton amour c’est le grand, le seul besoin de ma vie. C’est la seule joie, le seul bonheur de mon âme.
Tâche de venir demain de bonne [heure] et de rester un peu auprès de moi. J’ai deux affreuses journées à rattrapera et tu es trop honnête homme pour vouloir m’en faire tort. J’y compte plus que tu ne peux te l’imaginer.
Tu as mille fois raison pour M. Cuvillier-Fleury et Eugénie l’a reconnu tout de suite. Ce que tu veux faire avec M. le duc d’Aumale [1] est cent millions de fois préférable et je te remercie d’y avoir pensé le premier. Tout ce que tu fais est bien et tu as toujours l’initiative dans toutes les pensées généreusesb et dans toutes les bonnes actions. Tu es mon Victor aimable, puissant, charmant, imposant, doux, noble et sublime dont je baise les chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 11-12
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « rattraper »
b) « généreuse ».

Notes

[1Henri Eugène Philippe Louis d’Orléans (1822-1897) : prince d’Orléans et duc d’Aumale, militaire et homme politique français, dont Alfred-Auguste Cuvillier-Fleury fut le précepteur et le secrétaire particulier. Il faisait faire à ce moment un buste de lui par Victor Vilain.

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