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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 décembre [1846], mercredi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon aimé, bonjour mon adoré petit Toto, bonjour toi que j’aime, bonjour vous que j’adore, bonjour comment que ça va ? Moi j’irais très bien, n’était la chose que tu sais, ce qui m’ennuie on ne peut pas davantage. Je n’ose pas prendre de bain quoique je sente que j’en ai un extrême besoin. Je veux consulter M. Triger auparavant. Qu’en dis-tu ? En attendant je pioche. Riez tant que vous voudrez mais je n’en suis pas moins aux prises avec mes comptes de fin d’année, ce qui n’est pas une petite besogne pour une Juju sans tête comme moi. Cependant j’espère en venir à bout et vous remettre au jour dit tous mes comptes apurés et parfaitement en ordre.
Je néglige un peu ma copie parce que vous m’avez dit que ce n’était pas pressé et que vous n’aviez rien à me lire tout de suite après. Sans cela je vous prie de croire que je ne me serais pas fait attendre pour travailler afin de savoir le reste de mon pauvre scélérat de Jean Tréjean. Ce n’est pas la curiosité qui me manque, je vous prie de le croire. Mais enfin je sais que vous ne pouvez pas aller plus vite que les violons et je me résigne tant bien que mala à attendre votre inspiration.
Je voudrais être à vendredi pour avoir ma chère petite lettre annuelle. C’est sur elle que je compte pour fermer la plaie de mon pauvre cœur qui se rouvre plus grande que jamais dans ce moment-ci par le souvenir de ma pauvre fille [1]…….b
Ce n’est qu’à force de t’aimer et de penser à toi que je parviens à éloigner l’affreux chagrin qui s’empare de moi. Mon Victor, mon Victor, je t’aime, je t’aime à genoux. Tu es ma providence, ma foi et ma religion. Tu es ma vie et plus que ma vie tu es ma consolation et ma joie. Je baise tes pieds avec reconnaissance et amour.

Juliette

MVH, α 7827
Transcription de Nicole Savy

a) « tant que bien mal ».
b) Sept points de suspension.

Notes

[1Claire Pradier, sa fille, est morte le 21 juin de cette année.

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