Paris, 1er juin [18]77, vendredi soir, 4 h. ½
Tu laisses passer l’heure de sortie, mon grand affairé, et maintenant je pense qu’il est déjà trop tard pour nous promener utilement. Cependant le temps serait assez tentant si tu étais prêt. Quant à moi, je suis passive et j’attends ce qu’il te plaira de faire, satisfaite d’avance de mon sort. La vue des ravissants petits portraits de tes quatre adorables petits Didine, Charlot, Toto et Dédé [1] m’a tellement remuée en me rappelant notre propre passé que j’éprouve une sorte de lassitude qui va presque jusqu’à la souffrance [2]. Aussi je ne demande qu’à me reposer pour pouvoir mieux m’absorber dans ces chers souvenirs, les tiens et les miens. Avant de finir mon gribouillis, mon grand bien-aimé, je veux te dire que, puisque tu tiens à avoir les Rivet lundi en même temps que les Cladel et les Daudet, il ne faut pas t’en priver et qu’il est encore temps de leur écrire. En somme où il n’y a pas de gêne il n’y a pas de plaisir, donc soyons quatorze pourvu que nous soyons heureux comme quatre à nous deux.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 147
Transcription de Guy Rosa