Paris, 11 juillet [18]77, mercredi matin, 10 h.
C’est une bonne précaution à tous les points de vue, mon cher bien-aimé, que de faire l’inventaire de ta malle aux manuscrits et je te remercie de m’en confier la copie que je commencerai dès que nous aurons déjeuné. À ce propos, nous aurons la joie de dîner tous ensemble ce soir. C’est le cas de chanter en chœur et avec cœur ce doux et suranné refrain : Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? [1] bis, ter, re-ter. Il ne me déplairait pas non plus de mettre en action prosaïque cette poésie Directoire et messidorienne :
Quel plaisir d’être en voyage,
Quel plaisir-ir-ir d’être en voyage,
Toujours sur notre passage
S’offrent des-és-és és objets nouveaux,
Toujours, toujours des objets nouveaux [2].
etc. etc. etc.
Pantoufles et sac de nuit, le projet d’hier m’a fait venir l’excursion au bec bien qu’il soit peu probable qu’il se réalise. Mais c’est déjà un plaisir d’y avoir songé pendant cinq minutes. Cela me distrait un peu de tous les revenez-y tristes qui me picotent et me harcèlent à tous les instants de la journée. Le citoyen Blondeau n’a pas encore fait toucher les cent francs que tu lui donnes. Peut-être boude-t-il contre cette somme ? c’est ce que nous verrons. La femme et l’enfant sont intéressants et je les plains tous les deux. Lui peut toujours se tirer d’affaires, ne fût-ce qu’avec Le Rappel. Cher bien-aimé, je te souris et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 186
Transcription de Guy Rosa