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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mars 1848

22 mars [1848], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, mon Victor toujours plus aimé, plus respecté et plus béni, bonjour. Je te demande pardon de ce qui est arrivé hier. J’avais le cœur malade et les nerfs agacés d’impatience de ne t’avoir pas vu avant le dîner. Tout cela, et mon mauvais caractère aidant, m’a fait te dire des choses injustes et que je ne pense pas, Dieu merci, car si je les pensais je ne resterais pas une heure de plus sous ta protection. Pardonne-moi cette malencontreuse et stupide algarade et ne me retire pas la confiance que tu m’as montrée en cette circonstance parce que j’en suis digne et que je mets mon honneur et mon bonheur à la justifier. Maintenant que j’ai payé mon tribut à la République par ma protestation d’hier, je suis toute disposée à soutenir ton gouvernement provisoire et définitif quel qu’il soit. D’avance j’adhère à tout ce que tu voudras et sans la moindre arrière-pensée de rébellion ou de réaction envers ton despotisme. Ceci dit, je te conseille de mettre mon BULLETIN dans l’URNE de ta CHAMBRE… à coucher. Voici les devis des dépenses et des dettes à payer. Tu verras quel parti tu en peux tirer. Quant à moi, je n’y entends pas malice et c’est tout ce que je peux faire de plus fort que de résoudre que deux et deux font quatre. Passé ce chef-d’œuvre d’arithmétique, je ne sais plus rien si non que je t’aime plus qu’il y a d’étoiles au ciel, de grains de sable dans la mer, et de rois sans couronnes sur la terre. Je t’adore.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/10
Transcription de Joëlle Roubine


22 mars [1848], mercredi après-midi, 1 h.

Tant que je ne t’aurai pas vu, mon cher petit homme, je serai triste et malheureuse. Il me semble que tu ne m’as pas assez pardonnée hier, ce qui rend ma situation encore plus pénible et plus ennuyeusea. Je t’attends avec l’impatience du repentir et l’amour le plus tendre et le plus ardent. Je sais que tu n’as pas à sortir aujourd’hui, mais il n’est que trop probable que tu auras des visites. Je ne peux donc pas raisonnablement t’espérer avant tantôt et très tard. Je voudrais me résigner de bonne grâce à cette nécessité de tous les jours, mais je n’y parviens pas. Plus je sais que tu ne peux pas venir et plus je sens le besoin de te voir. Moins il y a de pain dans la huche et plus on a faim. Le cœur en cela ressemble beaucoup à l’estomac son voisin. Cependant, je crois que je serais plus résignée à mon sort si je n’avais pas eu hier ce stupide accès de méchanceté que j’attribue aux miasmes révolutionnaires qui sont dans l’air. Toujours est-il que tant que tu ne m’auras pas pardonnée de nouveau, je serai la plus triste des femmes. En attendant, j’en suis la plus [coupable  ?], la plus vexée et la plus repentante des Jujus. Je mets mes [POUCES ?] à vos pieds et je vous supplie de me pardonner encore cette fois-ci. Pour vous y décider, je ferai tout ce que vous voudrez, quand vous voudrez et comme vous voudrez.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/11
Transcription de Joëlle Roubine

a) « ennuieuse ».

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