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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 janvier [1848], samedi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon doux Toto, bonjour, mon cher petit homme, bonjour je t’aime. Je te demande pardon d’avoir pleuré cette nuit quand tu as été parti. Je reconnais que j’ai eu tort et que tout ce que tu me disais ne devait pas inquiéter mon amour ni blesser ma susceptibilité. Aussi, n’est-ce pas à cela que j’attribue le chagrin qui m’a pris quand tu as été parti, mais à la disposition physiquea et morale dans laquelle je me trouvais, disposition qui me prend toujours lorsque tu t’en vas. Vois-tu, mon pauvre adoré, je suis une pauvre vieille Juju très peu raisonnable et que la moindre chose effarouche surtout depuis l’affreux malheur qui m’a frappée. Je sens que j’ai en moi quelque chose de briséb, une sorte de faiblesse morale que la moindre chose fait souffrir. Pardonne-moi mon peu d’énergie et mon peu de courage. Peut-être que si je t’aimais moins je serais moins sensible à toute chose. Mais telle que je suis, je te prie de ne pas m’en vouloir et de m’aimer toujours. Ma vie et mon bonheur sont attachés à ton amour. Penses-y surtout quand je te parais exigeante et injuste.
J’ai fait de vilains rêves cette nuit. J’ai rêvé que je te rencontrais venant chez moi soutenu par Isidorec qui portait une assiette de glace pour te panser la main que tu avais refoulée. Dieu veuille que rien de pareil ne t’arrive. Aussi, je voudrais déjà que tu sois auprès de moi.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/01
Transcription de Joëlle Roubine

a) « phisique ».
b) « brisée ».
c) « Ysidore ».


29 janvier [1848], samedi après-midi, 4 h. ½

Quel temps, mon pauvre adoré ! J’ai rêvé cette nuit que tu t’étais foulé de nouveau la main. Quoique je n’ajoute qu’une foi très médiocre aux rêves, cependant je ne serai tranquille que lorsque tu seras auprès de moi installé bien chaudement auprès de ma cheminée. J’espère que tu n’iras pas patauger dans ce hideux dégel ce soir ? Vraiment ce serait vouloir risquer un rhume et quelque bonne chute au milieu du verglas et de la glace des ruisseaux. Au reste je suis bien venue à te faire ces belles recommandations-là puisque tu ne les liras que lorsqu’elles ne pourront servir à rien. Mais je ne peux pas m’en empêcher. Il me semble que si je ne te disais pas tout cela, je serais coupable d’indifférence et que s’il t’arrivait un accident, j’aurais le remordsa de ne t’avoir pas averti en plus du chagrin de te voir souffrir. C’est absurde mais c’est comme cela : obéissez-moi. D’ailleurs, ça vaudra bien mieux que de dire des gros mots au monde et de lui demander où il en est de sa COPIE. Ça ne vous regarde pas, il en est où ça veut et la bête la cherche. Qu’est-ce que vous diriez si on vous demandait où vous en êtes de toutes les élucubrations que vous entassez les unes sur les autres ? Vous ne répondriez pas ? Eh bien moi qui vous copie, de plus d’une façon, j’en fais autant et je vous défends de m’adresser la parole.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/02
Transcription de Joëlle Roubine

a) « remord ».

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