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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 novembre [1849], vendredi soir, 10 h. ½

Je suis heureuse, mon bien-aimé, autant que je peux être heureuse loin de toi. Je suis calme et repentante, deux états qui ont l’air, sinona de se contredire, au moins de se neutraliser. Cependant rien n’est plus vrai. Je suis calme parce que je me sens honnête dans toute l’acception du mot, je suis repentante parce que je t’ai inquiété par la violence et l’amertume de mon désespoir, et que rien ne m’est plus pénible que de penser que je t’ai tourmenté toi si bon, si doux et si généreux. Mais tu as tiré un si bon parti de cette affreuse et stupide scène de tantôt que mes regrets et mes remords sont bien prêts d’être de la reconnaissance et du bonheur. Il ne faudrait pour cela que la certitude de te voir tout à l’heure, peu de chose en vérité, mais que la République, et les affaires aidant, rendent peu probable et peu possible. Pour me dédommager du sacrifice forcé que je fais à MON PAYS et aux CHAUMONTELS de tous les sexes, de tous les âges et de tous les états, je te gribouille ces tendres billevesées qui font partie intégrante de mon bagage littéraire et épistolaire… J’ai le cœur encore trop ému pour oser y toucher même avec les mots les plus doux, les plus délicats et les plus amoureux de notre langue. Il y a des moments où il me semble que toutes les tendresses sont autant de gouttes de plomb fondu qui me brûlent et me perforent le cœur. Ce soir, mon adoré bien-aimé, j’ai un redoublement de sensibilité qui me fait redouter de toucher par la pensée à mon pauvre cœur endolori. Cependant je ne veux pas me coucher sans t’avoir baiséb très courageusement et de toutes mes forces. Bonsoir, mon divin bien-aimé, pardonne-moi et aime-moi ce sera le meilleur baumec appliqué sur mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 319-320
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Souchon]

a) « si non ».
b) « baiser ».
c) « beaume ».

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