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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 décembre [1845], samedi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, comment vas-tu ce matin ? M’aimes-tu ? As-tu bien dormi ? Moi je t’aime plus qu’il ne faudrait et j’ai passé la nuit à écouter la chasse de Fouyou qui, en fin de compte, n’a rien pris, à ce qu’il paraît. J’ai envoyé Suzanne au bois. Elle vient de revenir avec la facture qui porte 105 francs, le bois étant augmenté de 2 francs par voie, cela fait 5 francs de plus que nous ne comptions pour deux voies et demie. Je te donne tous ces détails par habitude, car Dieu sait que tu ne me les demande pas. Je viens d’écrire à Dabat et à Lafabrègue. À la fin de la journée, il ne me restera probablement pas grand chose, car je compte envoyer les 70 francs à Mlle Féau tantôt.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, Juju est pas geaie, Juju a son pauvre cœur tout noir. Juju est triste. Juju aurait bien envie d’être un peu méchante, mais elle n’ose pas. Juju est très malheureuse, cependant elle reconnaît que vous êtes très bon, bien bon pour elle, mais c’est tout. Juju est une vieille exigeante comme vous voyez. Aussi elle s’en accuse et elle vous demande très humblement pardon. En attendant, elle vous envoie des millions de baisers.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 249-250
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


13 décembre [1845], samedi soir, 7 h. ½

Je voudrais, mon cher petit bien-aimé, pour être vraie, que je ne crois pas, que je suis sûre même, que ce n’est pas d’avoir copié hier qui m’a donné mal aux yeux ce matin, mais bien d’avoir pleuré une partie de la nuit. Grondez-moi bien fort, battez-moi si vous voulez, mais ne me dites pas de ne copier que quatre pages par jour. C’est bien trop déjà des mille petites occupations auxquellesa je me suis astreinteb pour employer des séries de jours et de mois où je n’ai aucune distraction pour m’empêcher de me livrer au plaisir si doux de te copier sans retard et sans interruption, sans encore prendre le prétexte de ma vue qui n’en sera ni plus, ni moins mauvaise pour cela. Ainsi, mon petit chéri, je veux te copier le plus vite et le mieux que je pourrai. Il sera toujours temps de m’arrêter quand je n’aurai plus rien à faire. Ce n’est pas une besogne pour moi, c’est un bonheur et le bonheur ne fait jamais de mal et fatigue encore moins. Il n’y a que le chagrin qui rende malade et fasse pleurer les yeux. Moi je ne sais pas comment il se fait qu’avec ta douceur, ta gaieté, ta bonté, ton dévouement sans borne, je trouve moyen d’être malheureuse. Mais le fait n’en est pas moins vrai. C’est qu’à tort ou à raison, je suis jalouse et que je crois que tu n’as plus d’amour pour moi. Si je me trompe, je suis une vieille folle. Mais si je ne me trompe pas, je suis une pauvre femme bien à plaindre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 251-252
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « auquelles ».
b) « je me suis astreintes ».

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