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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 mai 1845

20 mai [1845], mardi midi

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher amour bien-aimé, bonjour, mon petit retardataire, bonjour. Vous êtes vexé et moi encore bien davantage. Je ne vous en veux pas, mais j’en aurais bien le droit cependant si je n’étais pas si bonne princesse. Enfin je vous remettrai en demeure dans huit jours, nous verrons comment vous fereza pour ne rien faire du tout. En attendant, je vous aime de tout mon cœur.
Je n’ai pas encore reçu de lettre de Claire. Il serait possible que Mme Marre ne veuille pas déranger des jours de sorties et que nous l’ayons dimanche. Dans tous les cas, je crois, sauf meilleur avis, qu’il ne faut pas contremander le rendez-vous que tu as arrangé avec M. Varin. S’il le faut, j’irai trouver Mme Marre JEUDI et je lui dirai qu’il est indispensable que Claire sorte dimanche et je la préviendrai en même temps de la visite possible de M. Dumouchel. Voilà, mon Toto adoré, ce que je crois prudent de faire dans tous les cas où Claire sortirait demain ou non. Tu me diras ce que tu en penses et tu décideras.
Mon Victor bien-aimé, j’ai passé deux bonnes petites heures avec toi hier. Je m’abonnerais bien à en avoir autant tous les jours. Tu vois que je ne suis pas dégoûtée. Aussi, chaque fois que tu pourras me donner cette joie, je te supplie de n’y pas manquer. Je te baise, je t’adore, mon Victor bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 197-198
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « vous ferai ».


20 mai [1845], mardi après-midi, 2 h. ¼

Je viens d’écrire à Mme Marre et à ma fille pour leur dire de remettre leur sortie à samedi. Je pense que cela ne fera aucune difficulté. Jusqu’à présent, Mme Marre ne peut pas dire qu’on ait abusé de la faculté qu’on s’était réservée dans l’intérêt des examens de Claire de la faire sortir et de la mener aux séances de l’Hôtel de Ville [1]. Aussi je n’ai pas le moindre scrupule à lui demander cela. Je voudrais être à dimanche pour savoir ce que M. Dumouchel aura dit à cette pauvre péronnelle. J’ai bien peur qu’il n’en pense pas grand chose de bon et que tout son dévouement pour toi ne suffise pas à pallier sa faiblesse en orthographe. Mon Victor bien-aimé, merci pour toutes tes bontés, merci du fond du cœur, du fond de l’âme, merci. Tu es mon pauvre ange gardien et sauveur, toi, tu es mon tout, je t’adore.
Tu es parti bien vite, mon Toto. Où allais-tu comme cela ? À l’Institut [2] sans doute ? Si j’avais été prête, j’aurais eu le front de te demander à t’accompagner. Mais dans le simple appareil d’une souillon qu’on vient d’arracher à son gâchis [3], cela n’était guère possible et je vous ai laissé partir, à mon grand regret. Encore, si j’étais sûre que tu vas venir tout à l’heure, je me consolerais peut-être. Mais, loin de là, j’ai l’affreuse crainte de ne pas te voir du tout, ce qui me met la mort dans l’âme. Quand donc, mon Victor adoré, pourrai-je passer une bonne journée bien entière et bien complètea avec toi ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 199-200
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « complette ».

Notes

[1Les examens pour devenir institutrice ont lieu à l’Hôtel de Ville de Paris. Claire est convoquée le 5 juin 1845, mais ayant mal lu sa convocation, elle arrive en retard et ne peut pas se présenter à l’examen. Elle est de nouveau convoquée le 12 juin où elle échoue.

[2L’Institut de France regroupe les différentes académies, dont l’Académie française dont Victor Hugo est membre.

[3Citation parodique d’une réplique de Néron dans Britannicus de Racine (acte II, scène 2) : « Excité d’un désir curieux, / Cette nuit je l’ai vue arriver en ces lieux, / Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes, / Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes, / Belle, sans ornement, dans le simple appareil / D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil. »

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