29 juillet [1845], mardi matin, 8 h. ¾
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon doux Toto, bonjour, mon bien-aimé, comment va ton bras ce matin ? Voilà un temps de chien qui ne peut que l’empêcher de se guérir en supposant qu’il ne contribue pas à augmenter son mal. Quel affreux été ! C’est désolant même pour ceux qui ne sortent pas. À propos de sortie, la mienne, aujourd’hui, me fait l’effet d’être tombée dans l’eau. Cependant, si par impossible il faisait un rayon de soleil de midi à 2 heures, je crois que j’aurais le toupet d’en profiter tant j’ai besoin de marcher.
Cher petit bien-aimé, je ne veux pas que tu sois triste, je ne le veux pas absolument et je défends à mon second petit Toto [1] de se faire du chagrin. Pardi, pour des méchants prix de quatre sous, voilà trop peu de quoi se faire du mal. D’ailleurs il faut leur apprendre de bonne heure à MÉPRISER LES HONNEURS. Il n’y a qu’à voir, moi, si j’en ai et si je ne vis pas très bien sans cela. Et Béranger donc. Il n’a rien à sa boutonnière, honneur, honneur à Béranger [2] ! Je ne veux pas que mes pauvres Toto soient tristes, je ne le veux pas. Si j’étais sûre que tu viennes passer l’après-midi auprès de moi, je ne sortirais pas, quand même il ferait beau et malgré la promesse que j’ai faite à ma pauvre péronnelle. Mais c’est que rien n’est moins sûr. Il suffit que je reste pour que tu ne puissesa venir qu’à sept heures du soir. J’ai tant de chance et tu as si peu de temps que les deux choses combinées font que nous ne nous trouvons pas souvent ensemble malgré le désir ardent que j’en ai.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16360, f. 87-88
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « tu ne puisse ».