Guernesey, 10 avril [1] 1860, mardi, 7 h. ½ du matin
Bonjour, mon grand bien-aimé, bonjour, amour, soleil, printemps et joie, sourire et bonheur, bonjour. Comment vas-tu ce matin, mon adoré ? Moi j’ai très bien dormi et je me sens très gaillarde ce matin et prête à recommencer la charmante promenade d’hier à travers les ravissants jardins du bon Dieu. Si ton pique-niquea ne s’y oppose pas nous pourrons nous en aller encore errer tantôt sur la colline. Je me tiendrai prête dans tous les cas et tu ne m’attendras pas cette fois [2].
J’ai été étonnée hier non de l’apparition d’Asplet [3] qui n’a rien de surprenant en elle-même, mais qu’il ait passé la journée toutb entière dans l’île avant d’aller rendre ses devoirs à Hauteville-house. Cette quasi négligence serait presque impertinente si le bon Asplet avait le moindre usage du monde ; mais comme il ne s’en doute pas, et c’est à peine s’il se rend compte de l’immense honneur que tu lui fais en le recevant chez toi, il n’y a pas à lui en vouloir. Je lui pardonne et je t’aime plus que jamais avec tous les respects, toutes les admirations et toutes les adorations de ma conscience, de mon cœur et de mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16381, f. 77
Transcription de Claire Villanueva
a) « pic nic ».
b) « toute entière ».