Guernesey, 1er mars 1860, mercredi, 8 h. du m[atin].
Bonjour, vous que j’aime, bonjour, toi que j’adore, bonjour, je te souris dans le soleil et dans l’amour, je te baise dans les premières brises du matin et avec toutes les sèves du printemps. Comment as-tu passé la nuit ? Bien je l’espère. D’abord tu t’es couché en même temps que moi, ce qui a permis à mon âme de bercer la tienne sans crainte des importuns et des opportunes. Tu me diras tantôt si j’ai réussi à te donner un bon et bien doux sommeil. En attendant je suis éveillée comme une portée de souris ce matin et si je m’en croyais je jetterais mon cœur par-dessus les moulins dans l’espoir de le voir tomber en ligne droite dans le vôtre. Cher adoré, tu vois combien je t’aime, combien je suis heureuse, combien je suis geaie par ce petit gribouillis matinal et tendrement bêbête.
Ne dîtes donc plus que je suis triste ou je penserai que je vous ennuie trop. Sur ce baisez-moi, aimez-moi et la mort.
Juliette.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 38
Transcription de Claire Villanueva