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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 avril 1845

4 avril [1845], vendredi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher amour adoré, bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, bonjour. Je ne sais pas ce qui te retiendra aujourd’hui, mais je sais TROP BIEN que tu ne manqueras pas d’occupations et d’affaires. Aussi je me prépare d’avance à une journée solitaire. Ce serait avoir trop de chance et trop de bonheur que de sortir avec toi coup sur coup. Aussi ni compté-jea pas. Je vais me dépêcher de faire mes petits triquemaquesb pour aider à raccommoderc sa tapisserie. Ce sera toujours m’occuper de toi, c’est-à-dire me faire trouver le temps moins longd et moins triste.
Ce mot : – triste, me fait souvenir de la pauvre femme que j’ai vue hier au soir. Elle m’a navré le cœur. Elle était dans un vrai désespoir et tu sais combien la vraie douleur est contagieuse, ce qui a fait que j’ai été moi-même très affectée de son chagrin. Il faut espérer que le bon Dieu lui tiendra compte de cette souffrance en lui faisant à Bruxelles une vie plus tranquille et meilleure qu’ici. Je le lui souhaite de tout mon cœur. Quand je pense que tu pourrais me quitter, mon cœur se serre affreusement. Il est vrai que je ne pourrais pas le supporter sous aucun prétexte, donc je ne souffrirais pas longtemps. Mon cher bijou adoré, je ne sais pas pourquoi je m’arrête à des suppositions aussi atroces et qui me font tant de mal, seulement en supposition, quand je sais que tu m’aimes et que la mort ne pourra pas même nous séparer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 13-14
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « comptai-je ».
b) « trique-macs ».
c) « racommoder ».
d) « longs ».


4 avril [1845], vendredi après-midi, 3 h. ½

Ordinairement, mon cher petit bien-aimé, quand tu me promets le bonheur de dîner avec toi, ta promesse est sans restriction. Aujourd’hui il n’en est pas de même puisque tu m’as dit de ne pas t’attendre au-delà de 8 h., ce qui est cause que je ne suis pas aussi joyeuse que je devrais l’être si tu ne m’avais pas laissé la crainte de ne pas t’avoir à dîner. Cependant j’ai tout fait préparer pour cela et rien ne serait plus triste pour moi que cette nouvelle déception, sans parler de l’argent perdu, car tu penses bien que je ne nourris pas Eulalie et Suzanne avec des filets de soles et des radis à 8 sous la botte. Ainsi, par économie, sinon par amour, il faut venir dîner ce soir avec votre pauvre vieille Juju.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, comment m’aimez-vous aujourd’hui ? Prenez garde à votre réponse, car la providence m’a envoyé aujourd’hui même certain petit couteau qui malgré sa forme (une botte) pourrait bien ne pas se moucher du pied dans des mains aussi féroces que les miennes. Ce couteau, je l’ai cueillia dans mon jardin. Jusqu’à présent, voilà la seule végétation qui s’y soit montrée. C’est peu de chose, mais par le temps qu’il fait et le voisinage du maître d’école, j’espère en voir fleurir plus souvent et de toutes les grandeurs. Baisez-moi, cher scélérat, et aimez-moi ou la mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 15-16
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je l’ai cueuilli ».

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