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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mars 1844

18 mars [1844], lundi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour mon Toto ravissant, bonjour, je t’aime, je t’aime, je t’aime. Comment vas-tu ce matin ? As-tu pris un peu de repos ? Comment vont tes beaux yeux ? Moi je dors trop, j’en suis honteuse, cela tient à la disposition particulière dans laquelle je suis dans ce moment-ci et beaucoup plus encore au défaut d’exercice. Je ne te dis pas cela pour t’influencer, mon cher ange, car lorsque tu liras ce gribouillis, l’heure de la promenade sera passée ; et puis je sais bien que tu me fais sortir le plus que tu peux. Aujourd’hui je vais m’apprêter à tout hasard, mais je ne serai pas mouzon si tu ne peux pas me faire sortir. Je te l’ai promis, mon adoré, et je veux tâcher de tenir ma promesse. Je ne veux pas te tourmenter injustement. Si tu viens me chercher tu seras le bienvenua et le bien adoré. Si tu ne viens pas tu seras le bien désiré et le bien adoré. Voilà la seule variante que je me permettrai. Je ne veux pas que tu tourmentes tes enfants et que tu te préoccupesb pour ces lettres. Laisse-les, ces pauvres enfants, patauger dans tous ces gribouillis puisque c’est un plaisir pour eux. Apporte- moi, comme par le passé, toutes celles qui te tomberont sous la main. Cela me suffira. Baise-moi mon adoré. Aime-moi, regrette-moi et désire-moi un peu. C’est ce que je fais pour toi de toutes les forces de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 303-304
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « bien venu ».
b) « préoccupe ».


18 mars [1844], lundi soir, 6 h.

Oui, mon pauvre bijou, je ne peux m’empêcher d’être triste chaque fois que je me sépare de toi. Cependant tu m’as donné deux bien bonnes heures de bonheur mais pour moi il n’y a pas d’heure de bonheur qui compense le moment de la séparation. Cependant, je ne veux pas blasphémer, mon Toto, en disant que le bonheur passé ne compte pas. Je veux dire seulement que le cœur n’est pas comme l’estomac qui se remplit en mangeant. Plus il absorbe d’amour et plus il en a faima et soif, du moins, voilà ce que j’éprouve quand je suis avec toi.
Je te remercie de ton bouquet, mon adoré. Je vais le conserver frais le plus longtemps que je pourrai et puis je le mettrai dans ma collection de reliques et de souvenirs. Je te remercie, mon Toto chéri, tu m’as comblée aujourd’hui. Une autre foisb je tâcherai d’être plus exacte mais c’est qu’ordinairement cela me réussit si peu que je ne me sens pas le courage de m’apprêter d’avance. Je tâcherai de ne plus y être attrapée. Je n’ai pas envie de perdre par ma faute une seule minute de bonheur. Je serai sous les armes désormais, vous pouvez y compter. Jour Toto, jour mon cher petit o, j’ai profité du reste du jour pour brosser et ranger mes pénaillons mais je me suis aperçuec avec douleur que je ne pouvais plus sortir avec ma pauvre robe de chambre car elle est en loques par le bas. Hélas ! C’était pourtant bien commode. Plains-moi et aime-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 305-306
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « fin ».
b) « autrefois ».
c) « apperçue ».

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