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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1844

17 mars [1844], dimanche matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour mon cher amour bien aimé. Bonjour, comment vas-tu ce matin, mon cher adoré ? Tu travailles comme un pauvre chien car tu ne connais ni fête ni dimanche, toi. Tu travailles toujours sans prendre un moment de repos. Pauvre ange bien aimé, je n’ai pas de mots pour te dire combien je t’aime, tout ce que je pourrais dire est trop au-dessous de ce que je sens. Sois béni, mon pauvre bien-aimé, dans tous ceux que tu aimes. Tu ne le seras jamais autant que tu le méritesa et que je le désire.
Je pense à toi, je te désire, je l’espère et je suis bien raisonnable.Je t’écris avec ma Cocotte sur le doigt, c’est le seul moyen de l’empêcher de crier. Mais en revanche c’est peu commode pour l’écriture. Je ne sais comment tenir mon papier et comment me garantir de sa queue. Je crois que je me déciderai à la donner à Dédé quoique cela me fasse de la peine de m’en séparer. Cependant, je crois qu’il faudra que j’en vienne à cette dure extrémité. En attendant, je fais tout ce que je peux pour la civiliser. C’est aujourd’hui que j’ai Mme Triger, son fils et Mlle Féau à dîner. Il y a six semaines que Mme Triger n’est pas venue dîner. Quantb à Mlle Féau c’est son premier début. Vois-tu mon adoré, ces braves gens ne sont rien moins que drôlesc mais j’ai besoin de voir de temps en temps un chien coiffé quelconque pour avoir le prétexte de parler de toi, pour verser le trop plein de mon admiration et de mon adoration qui souvent me porte à la tête et me fait être méchante et injuste envers toi. Comme hygiène, cela m’est utile sinon nécessaire. Mais je te le répète, cela n’est rien moins qu’amusant. Toi seul peuxd me donner le plaisir et le bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 299-300
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « mérite ».
b) « Quand ».
c) « drôle ».
d) « peux ».


17 mars [1844], dimanche après-midi, 4 h. ½

Penser à toi, m’occuper de toi, te désirer et t’aimer, voilà toute ma vie, mon adoré. Le reste n’existe pas pour moi et si je le fais c’est comme on dit pour tuerle temps et sans avoir la conscience de ce que je fais.
Je t’aime comme tu dois être aimé, c’est-à-dire exclusivement. Je t’aime plus que tu ne peux le souhaiter quelle quea soit ton ambition, fût-elleb égalec à la grandeur et à l’infini du bon Dieu. Mon Victor adoré, jamais tu ne sauras, dans cette vie du moins, combien je t’aime.
Je t’écris en attendant mes péronnelles [1]. Si je pouvais penser que cela te fasse venir une seconde plus tard ou te fasse en aller une seconde plus tôt, je ne les verrais jamais, mais tu m’assures bien que cela n’a pas cette influence sur mon bonheur, n’est-ce pas, mon adoré ? C’est ce qui fait que je les reçois pour avoir une occasion de parler de toi chaque fois que je les vois.
Pense à moi, mon Toto adoré, je le sentirai et cela me fera du bonheur. Je vous aime, vous. Soyez-moi bien fidèle de corps, de cœur, du regard et de la pensée. Je mourrais, mon Victor, si jamais tu m’étais infidèle, c’est-à-dire si jamais tu ne m’aimais plus ou si tu m’aimais moins, ce qui revient au même. Je baise tes yeux, tes lèvres, ton cœur, tes pieds, pour les empêcher de me trahir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 301-302
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « quelque ».
b) « il ».
c) « égale ».

Notes

[1Il s’agit de sa fille Claire sans doute accompagnée de Mme Lanvin

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