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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 novembre [1843], vendredi matin, 10 h.

Bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher petit bien-aimé. Comment vas-tu ce matin, m’aimes-tu ? Je t’aime, moi, tu aimes mieux le croire que d’y venir voir, n’est-ce pas ? Tu es si sûr de ton fait que tu ne prends aucune peine pour t’en assurer. À ce point de vue tu as raison mais à celui de mon bonheur tu as parfaitement tort. Je ne veux pas te grogner. D’ailleurs cela ne m’avance à rien. Je t’ai à peine vu hier. Si tu étais bien gentil tu tâcherais de me rabibocher de ma journée Titusienne. À propos de Titus et de l’Académie, si vous voulez, je vous ferai l’éloge de Molière ; Moi je n’ai pas la modestie de votre cousin et la vôtre. Je me crois très en état de faire un chef-d’œuvre en moins de quinze jours et de plus de 40 lignes. De plus c’est un service que je rendrai à l’Académie en masse et à la France en particulier. Je BRIGUE L’HONNEUR de tirer toutes ces vieilles perruques, non par les cheveux, mais d’embarras. Je ne demanderai rien pour cela. Sur ce baisez-moi, mon cher petit, et aimez-moi je le veux ou je vous flanquerai des coups.
La mère Lanvin, qui devait venir ce soir, me fait dire que son mari est très malade et qu’elle ira chercher Claire demain. Voilà ce pauvre Lanvin encore retombé. On n’esta pas plus malheureux que ces gens-là. Depuis que le les connais je ne leur ai pas vu trois mois de santé de suite ni à l’un ni à l’autre. Voilà nos cadres encore accrochés une fois, non pas au mur, mais à la maladie de Lanvin. Pauvre homme, c’est encore lui le plus à plaindre dans tout ça.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime mais voilà tout. Je n’ai rien à mettre dessus, c’est bien chesse. Est-ce que vous ne me donnerez rien à étendre dessus cet amour-là ? Vous promettez toujours plus de beurre que de pain mais promettre et tenir sont deux et vous ne faites jamais que la première de ces deux choses. Je commence à trouver ce genre très monotone, je vous en préviens et je vous prie d’en changer au plus vite ou je raiguiserai mon grand couteau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 59-60
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « on est ».


17 novembre [1843], vendredi soir, 4 h. ¾

Je voudrais bien te voir, mon Toto, est-ce que tu ne vas pas bientôt venir ? Il est déjà près de cinq heures et tu sais que je t’ai à peine vu hier. Encore si j’étais sûre que tu penses à moi, que tu me plains et que tu m’aimes, ce serait un adoucissement à mon mal. Mais loin de là, je crains que tu m’oublies et que tu retrouves plus de plaisir loin de moi que de près. C’est que depuis notre voyage les jours se suivent et se ressemblent. Pour moi, ils sont tous aussi tristes et aussi vides les uns que les autres. Je sais bien que tu travailles mais, là, vraiment, la main sur la conscience, est-ce que tu n’as pas eu un moment à me donner depuis six semaines ? Je veux toujours ne plus te parler de cela et toujours je retombe dans ce triste rabâchage. C’est qu’il est difficile à un galeux de ne pas se gratter à une pauvre femme qui ne voit pas son bien-aimé, de ne pas se plaindre. Je vais tâcher cependant.
Demain à cette heure-ci j’attendrai ma pauvre péronnelle. Pourvu qu’on en soit content. Je sens si bien qu’elle n’est pas aimée de Mme Marre et que par contrecoup elle n’aime pas la susdite, que je tremble toujours qu’il ne se passe des choses désagréables entre elles deux. Je fais touta ce que je peux pour faire comprendre à Claire que dans tout état de chose elle doit se soumettre à sa maîtresse même quand ses exigences lui paraitraient dures et excessives. Mais tu sais ce que c’est qu’une jeune fille, et la mienne en particulier, elles ne sont rien moins que raisonnables ; c’est ce qui fait que je crains toujours d’apprendre de nouvelles picoteries.
Enfin nous verrons demain. D’ici là, ce n’est pas la peine de se tourmenter. Je baise tes quatre petites pattes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 61-62
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « tous ».

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