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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mars 1837

21 mars [1837], mardi, 2 h. moins ¼ du matin

Je ne sais pas quelles sont les raisons qui vous ont obligé à ne pas venir cette nuit me voir à l’issue de votre soirée chez M. de Rémusat, mais soyez sûr qu’il faudra qu’elles soient bien bonnes et bien prouvées pour me contenter et rendre la confiance que cette triste soirée m’a fait perdre.
Si vous n’êtes coupable d’aucune trahison envers moi, vous avez un bien étrange amour, il faut en convenir. Si vous me trompez, ce que je saurai bientôt, vous êtes un bien grand misérable et le dernier des hommes, car jamais femme ne s’est conduite plus loyalement que je ne le fais avec vous. Depuis plus de quatre ans c’est la première fois que vous vous conduisez d’une manière aussi significative. Il y a commencement à tout, il est triste de penser que vous y êtes arrivé si tôt.
Si je m’écoutais, j’irais à l’heure qu’il est savoir chez vous si vous êtes rentré et de là chez M. de Rémusat. Mais ce que la prudence m’empêche de faire à présent, le jour me le permettra demain matin. Au reste je vous remercierai dans tous les cas de la nuit que vous me faites passer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 293-294
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


21 mars [1837], mardi midi

Jour, mon petit homme adoré, je vous demande pardon puisque vous êtes innocent de toute espèce de trime. Je vous aime et vous êtes mon Toto chéri.
Si vous venez aujourd’hui de très bonne heure vous serez le bienvenu et le bien aimé.
Jour. Que tu as bien fait de revenir cette nuit. Il est probable que je n’aurais pas pu fermer l’œil, j’étais si triste et si bien malheureuse quand je me suis couchée. Il me reste bien encore un petit fond de MÉLANCOLIE, car je n’aime pas à savoir que vous vous frottez à des duchesses, surtout quand elles sont aussi belles que la S…….a C’est bien quelque chose que d’aimer et de se croire aimée, mais il faut encore de la sécurité, et le moyen d’en avoir, c’est de ne vous laisser approcher d’aucune femme, quelle que soit sa figure, son rang et même son âge. Si j’étais vraiment votre maîtresse, j’exercerais sur vous cette tyrannie dans toute son étendue, ce qui vous vexerait un peu. Malheureusement je ne suis que la femme qui vous aime le plus au monde et ce n’est pas encore assez pour vous empêcher d’être le plus aimable, le plus ravissant et le plus recherché des hommes au milieu de toutes les séductions de ce monde.
Gardez-moi votre amour, mon bien aimé Toto, sans lequel je ne peux vivre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 295-296
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) Les points de suspension courent jusqu’à la fin de la ligne.


21 mars [1837], mardi après midi, 2 h. ½

J’ai bien envie de vous baiser, mon cher petit homme, vous seriez bien bon si vous veniez contenter mon envie tout de suite. Je voudrais déjà avoir mon petit vers, c’est bien gentil à vous d’avoir pensé à moi en le faisant.
Vous devriez toujours faire comme cela, ce serait une petite dîme ravissante que vous me donneriez sur toutes vos belles pensées et ce ne serait pas trop pour tout le chagrin et l’ennui que je ne peux pas m’empêcher d’avoir quand vous n’êtes pas auprès de moi.
Le Vedel sera sans doute revenu aujourd’hui, l’oreille basse et le genou en terre comme il convient et tu auras été bon et indulgent comme d’habitude ce qui n’empêchera pas le susdit Védel d’être un cuistre.
Il fait un temps effroyable aujourd’hui. Je n’ai pas encore pu me réchauffer, du moins à l’extérieur, car en dedans je brûle de tous les feux que vous avez allumés [1] (genre classique), il serait même assez bon que vous songeassiez à en éteindre au moins une partie, ce qui ne sortirait pas de vos attributions de poète et d’amant.
Jour, un petit Loto, jour. Je vous aime par dessus toute chose au monde. Je vous aime de tout mon cœur et de toutes mes forces. Venez bien vite, j’ai tout plein d’amour à vous dire tout bas [à] l’oreille et beaucoup de baisers à vous donner.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 297-298
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Allusion à un vers de Donatien Aldonse François, Marquis de Sade, « … Les feux que vous avez allumés dans mon cœur ne sont point éteints… » dans Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice et aussi à un vers dans Le théâtre des Jésuites « … Et c’est vous qui m’ordonnez d’arracher le trait que vous avez fixé dans mon cœur, d’éteindre les feux que vous avez allumés ! vous qui m’ordonnez de fuir !... »

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