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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 mars 1837

mars [1837], vendredi, midi ½

Bonjour mon cher bien-aimé. Je vous pardonne à la mode de Dédé à les conditions que je ne serais plus jamais méchante du tout et vous plus jamais impatient de me quitter. Voilà mes conditions, les acceptez-vous ? Mon cher petit Toto quand je vous ai mal quitté, toute ma nuit s’en ressent. J’ai mal dormi cette nuit et mes rêves étaient tristes.
J’espère, mon petit Toto, que tu feras tout ton possible pour ne pas aller à cette soirée demain. Sans m’attacher à te démontrer ce qu’il [y] aurait d’injuste dans ce procédé envers moi qui ne sort jamais et qui t’ai sacrifié jusqu’aux intérêts de ma fille, je veux te rappeler seulement que tu travailles bien souvent, que tu as tes devoirs de famille que tu remplis exactement, ce qui te laisse peu de temps pour la pauvre femme qui t’aime, et que si tu acceptes les devoirs du monde il ne me restera plus rien à moi que le chagrin de t’aimer toute seule, car l’amour n’est un bonheur qu’autant qu’il est réciproque. Toute cette rabacherie du cœur vient de la crainte de perdre une minute que tu pourrais me donner.
J’espère que tu le prendras comme ça et que tu ne m’en voudras pas. Je baise tes pieds, tes mains, tes cheveux, tes yeux et je m’installe sur ta belle bouche pour plus d’une année.
Jour mon petit adoré. Je vous aime entendez-vous ?

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 279-280
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


17 mars [1837], vendredi après midi, 3 h.

Mon cher bien-aimé, vous ne vous pressez pas d’accourir. Ce n’est sans doute pas de votre faute, mais je n’en suis pas moins triste et fort impatiente de vous voir, d’abord pour vous voir, c’est-à-dire pour vivre, ensuite pour vous demander pardon de ma grognerie de cette nuit. Il fait bien froid, cependant je serais bien sortie volontiers si vous étiez venu me chercher.
Savez-vous, mon petit homme chéri, qu’en quinze jours je suis sortie une seule fois pour aller rue du Temple. Ça n’est pas assez pour sea bien porter. Aussi je suis toujours malingre et souffrante. Il est bien entendu que ce ne sont pas des reproches que je vous fais, mais quelques gémissements sur l’impossibilité où vous êtes de me donner même le nécessaire et à ce propos je vous rappellerai encore de relier les livres, etc.
Jour mon petit homme, jour mon petit Oto, jour mon cher bien aimé. Dans quelles cathédrales faut-il que mon amour aille vous trouver ? Dans quels clochers ou dans quelles cryptes dois-je monter ou descendre ? Répondez et ne dites plus que vous travaillez, mais seulement que vous ne m’aimez plus, ce qui serait plus honnête et plus franc. Dieu vous garde, mon cher petit Toto, d’éprouver jamais le chagrin que vous me faites, bien involontairement, sans doute, mais bien cuisant car vous ne m’aimez plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 281-282
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « ce ».

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