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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 avril [1837], jeudi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon pauvre petit bien-aimé, bonjour ; j’ai le cœur bien gros, je suis tourmentée on ne peut plus. Il faut que tu sois bien malade pour n’être pas venu au moins ce matin, je sais bien que cela t’arrive tous les jours mais tous les jours je ne te quitte pas souffrant comme hier. J’ai mal dormi cette nuit ; je ne pouvais pas détacher ma pensée de toi malade, toi souffrant ; j’étais sur les épines, je n’ai jamais passé une plus mauvaise nuit. Je vais prendre un bain ce matin pour tâcher de me rafraîchira un peu. Quelle dérision que ce temps ! Aujourd’hui le soleil, hier la pluie et le froid. Aujourd’hui je reste chez moi seule avec l’inquiétude et la tristesse pour compagnie. Hier j’étais avec toi, joyeuse et heureuse, si l’exécrable pluie n’y avait mêlé les pieds humides, le mal de gorge et le diable en infusion pour nous tourmenter et nous gâter notre bonne journée. Mais en dépit d’eux j’ai tiré ce cette journée tout ce qu’elle contenait de bonheur et que je n’oublierai jamais, dussé-je vivre autant que le monde. C’est le bonheur d’être avec toi, pauvre âme bien-aiméeb, c’est bien vrai que je suis heureuse de toi ! de toi seul, tout seul ! Comment vas-tu ? J’espère que le rayon de soleil dissipera ce mal de gorge que la pluie avait fait naître et je t’aime et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 93-94
Transcription de Chantal Brière

a) « raffraichir ».
b) « bien-aimé ».


27 avril [1837], jeudi après-midi, 3 h. ½

Je suis bien tourmentée, mon pauvre bien-aimé, et j’ai bien de la peine à m’empêcher de pleurer. Je me figure que tu es malade et tu penses ce que cette seule crainte peut faire sur un pauvre cœur comme le mien. Si je ne te vois pas d’ici à très peu de minutes il est plus que certain que tu me trouveras les yeux gonflés et rouges. J’avais cru d’abord qu’il faisaita beau mais le doux printemps s’est bientôt chargé de me désillusionner. Il fait laid et froid, je suis toute malingre, encore un peu et je me coucherais pour me tourmenter plus à mon aise et pouvoir pleurer de toutes mes forces dans mon oreiller. Cependant si tu te portes bien et si tu ne te ressens plus de ton mal de cette nuit, je serais une fameuse bête de me rendre laide à faire peur et de me tourmenter sans motif. Oui, mais je ne sais rien et quand je ne sais pas il me semble toujours que c’est parce que tu es malade. Enfin j’ai le cœur gros de toutes sortes de bonnes et de mauvaises choses, de l’amour et de l’inquiétude et puis encore de l’amour par-dessus. Si tu n’es pas trop souffrant et si tu m’aimes, tu ne me laisseras pas plus longtemps dans cette anxiété. Tu viendras très tôt et je te baiserai autant de reconnaissance que d’amour. Jour mon pauvre cher petit Toto, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 95-96
Transcription de Chantal Brière

a) « fesait ».

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