Paris, 24 nov[embre 18]77, samedi soir, 4 h.
J’espère, mon vaillant et généreux grand bien-aimé, que tu as trouvé enfin à qui parler au Sénat au nom de la France qu’on bâillonne et qu’on meurtrit jusqu’à la tuer si tu ne viens pas de ta personne à son secours immédiat ? Je n’aurais pas mieux demandé que d’assister à cette lutte du bien contre le mal, de la vérité contre le mensonge, du droit contre la force et le guet-apens, si je n’étais pas vaincue par la maladie et les infirmités qui paralysent sinon mon amour et mon dévouement, mon courage. C’est pourquoi je suis restée seule et inutile ici à broyer du noir pendant que tu combats le bon combat là-bas à Versailles. J’en ai le cœur bien gros et l’âme bien triste. Si cela devait durer longtemps ainsi, je demande à Dieu d’avoir pitié de moi et de me reprendre le plus tôt possible car tout vaut mieux que de se sentir inutile jusqu’à en être nuisible à l’homme qu’on aime plus que tout au monde et plus que sa vie.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 320
Transcription de Guy Rosa