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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 janvier [1842], mercredi matin, 11 h. ¼

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon cher petit homme. Comment vas-tu ce matin ? Pourquoi n’es-tu pas revenu ? Je n’aime pas ce genre d’exercice, vous trouvez bien moyen d’aller faire la roue devant les Contades de tous les âges et de toutes les couleurs avec des chapeaux en veloursa doublé de popeline, et vous ne trouvez pas le temps de venir baiser, en tout bien tout honneur, votre pauvre vieille juju qui vous adore. Tout cela n’est pas très clair, comme vous voyez. Baisez-moi, scélérat, et prenez garde à vos pieds. Vous devriez tâcher de mettre vos bottes neuves, mon cher petit homme, car vous vous exposez beaucoup avec ces espèces de poêles à marrons que vous avez aux pieds. Si vous n’étiez pas si douillet et si négligeant, vous essaieriez de les mettre aujourd’hui. Vous savez que j’attends le médecin aujourd’hui et peut-être Mlle Hureau. Tu ne saurais croire combien l’affaire de la pension m’inquiète et me tient au cœur ; je donnerais tout au monde, hors ce qui touche notre amour, pour être sûre que ma fille ne quittera pas Mlle Hureau. C’est vraiment un grand malheur qui nous arrive là, surtout à l’âge qu’ab ma fille, le plus charmant ou le pire des âges, selon l’événementc qui en décide. Je me serais bien passéec de cette inquiétude-là en ce moment-ci et toujours. Enfin, il faut accepter ce que la providence vous envoie mais je me serais bien passéed de ce tourment après celui assez vif dont je sortais pour la rougeole.
Baise-moi, mon bon petit bien-aimé, et préserve-toi du froid et de l’humidité, et tâche de venir me voir bien vite. Je t’aime. Je ne me rassure et je ne me console qu’avec toi, comme je ne vis et je ne suis heureuse qu’en toi. Baise-moi encore. Jour Toto, jour mon beau Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 77-78
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « velour ».
b) « à ».
c) « évênement ».
d) « passé ».


26 janvier [1842], mercredi soir, 7 h.

Les médecins, les maîtresses d’écoles et tout le diable et son train m’ont empêchée de vous voir, mon amour. Vous seriez donc bien gentil et bien bon de venir me rabibocher de mon bonheur perdu. Comme toujours, tout le monde est arrivé ensemble, et comme toujours encore, c’est moi qui suis vexée. Cependant, je n’oserai pas me plaindre cette fois-ci, si la bonne Mlle Hureau reprend ma fille, n’importe sous quel nom, n’importe à quel titre, car plus que jamais, je sens la nécessité d’avoir pour ma fille une personne sûre et bienveillante, et à cet égard, il serait difficile de souhaiter ou d’imaginer mieux que cette honnête et excellente demoiselle. Enfin, si ce n’est pas elle, ce sera toujours quelqu’un qu’elle connaîtra et chez qui [elle pourra  ?] voir, surveiller, et s’intéresser à ma fille, chose que, dans ma position, je ne peux guère faire moi-même que d’intention et de cœur, mais non de fait et des yeux. Tu comprends mon insistance, n’est-ce pas mon amour, et tu serais comme moi à ma place ? Baise-moi, mon adoré. Je te demande pardon, mon cher bien-aimé, de toutes ces ravauderies. Embrasse-moi, et aime-moi, je te dis que tu es mon cher bien-aimé. Quand te verrai-je, mon Toto chéri ? Je ne compte pas la petite miette de tantôt. Je n’en ai pas eu pour ma dent creuse seulement, et je compte sur la nuit prochaine pour me rabibocher de mon tantôt sur mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 79-80
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

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