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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Mardi 18 janvier [1842], 11 h. ½ du matin

Bonjour mon Toto bien-aimé. Bonjour le plus doux, le plus noble, le plus charmant et le meilleur des hommes. Bonjour, je t’aime de toute mon âme, mon Victor adoré. Je te remercie de toute la peine que tu prends pour ces pauvres Lanvin [1]. Je t’en remercie du fond du cœur, mon bien-aimé chéri : tu es un ange de bonté et de lumière. Tu es ma joie, mon orgueil et mon bonheur. Je t’aime. Quel affreux temps, mon Dieu, pour transporter un malade. J’espère que Lanvin n’y sera pas allé ou que ces femmes auront le bon esprit de ne pas la laisser partir. Je suis effrayée en pensant à la distance, au brouillard et à l’état de l’enfant. Une rechute est presque inévitable si on la fait venir aujourd’hui. Vraiment, je tremble et je donnerais tout au monde pour n’avoir pas consenti à cette translation ou pour qu’on ne la laisse pas venir aujourd’hui. Vraiment, je passe d’une inquiétude à un tourment, d’une douleur à une autre, depuis huit jours, trop heureuse si j’en suis quitte pour la peur.
Je vais écrire à Mme Krafft pour la prier d’envoyer chercher ses deux volumes et ses lithographies tout de suite ; elle doit être dans une colère énorme contre nous. Voilà déjà huit jours que tes livres ont paru et elle ne les a pas encore. Il faut être nous pour savoir que cela ne peut pas être autrement. Tâche au moins de me les apporter tout de suite afin qu’elle ne vienne pas ou qu’elle n’envoie pas inutilement.
Mon cher bien-aimé, je t’aime. Je te dis toujours la même chose mais c’est qu’en vérité mon amour absorbe tout chez moi. Je t’aime, voilà le mot qui me remplit depuis les pieds jusqu’à la tête. Après lui, je n’ai plus rien ni au-dedans ni au dehors, je suis bête comme une oie, voilà. Pourvu qu’il n’arrive rien à ma pauvre fille ! Oh non, n’est-ce pas, ce serait trop affreux. Baise-moi, mon Toto, je suis bien tourmentée mais je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 49-50
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


18 janvier [1842], mardi soir, 5 h. ½

J’ai ma fille depuis 2 h. de l’après-midi, je me suis empressée de la coucher dans un lit bien chaud, de la couvrir et de lui faire boire la tisanea indiquée par le médecin. Jusqu’à présent, tout va bien. Nous verrons la suite. Le médecin a dit qu’on pouvait avec de grandes précautions la transporter mais Mme Devilliers était de notre avis et aurait préféré qu’on attendit mais il paraît que la Clarinette ne tenait plus au lit ni à la pension d’impatience. Enfin là voilà et j’espère qu’elle et moi n’aurons pas à nous repentir de cette escapade. Le pauvre Lanvin te remercie ainsi que sa femme. Moi je t’aime plus que jamais, voilà la nouvelle la plus fraîche de mon intérieur avec et sans calembourb.
J’ai écrit à Mme Krafft pour qu’elle envoie prendre son livre maintenant. Il serait bon que tu ne me l’apportassesc pas. J’ai aussi fait repasser mon canif pour que tu voies à te décider à me tailler quelque chose qui ressemble à une plume car ce dont je me sers ressemble à tout excepté à cela. Jour toto. Jour mon petit o. Est-ce que vous n’allez pas bientôt venir ? Je vous désire avec une impatience qui pourrait passer pour de la rage si j’y mettais de la bonne volonté. Venez donc mon toto, vous me comblerez d’espoir et de bonheur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 51-52
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « tisanne ».
b) « calembourg ».
c) « apportasse ».

Notes

[1Victor Hugo secourt les Lanvin dans le besoin. Un bienfait n’est jamais perdu : Ils le lui rendront en lui fournissant de faux papiers et une tenue de typographe après le coup d’État, pour faciliter sa fuite en Belgique.

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