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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 janvier [1837], mercredi, 2 h. l’après midi

Bonjour, mon cher petit homme, je fais joliment la paresseuse mais je vais t’expliquer cela : je ne me suis endormie qu’à 4 h. cette nuit et ce matin j’étais réveillée à 8 h. ½ or je me suis rendormie sur les 11 h. et je viens de m’éveiller seulement à présent. C’est par ma faute, pardonnez moi s’il vous plaît, vous aviez promis que vous viendriez cette nuit mais je n’ai pas ajouté foi à cette promesse, je savais bien que vous n’étiez pas homme à me combler deux fois [de] suite du même bonheur en un seul jour.
Heureusement, mon cher adoré, que j’avais pris du bonheur pour plus d’un jour dans le souvenir de cette journée. C’est une étoile nouvelle dans mon ciel et qui ne s’éteindra qu’avec ma vie. Jour mon petit Toto bien aimé.
J’ai là une lettre de Mme K. [1] mais je ne l’ai pas lue. Oh bien ouiche, je n’ai pas envie de faire grimacer votre jolie petite tête et de faire DROGNER votre petite bouche. On dirait mon cher petit Toto que vous vous entendez avec ce stupide [V. ? N. ?] pour me mystifier et me promener de semaine en semaine et du mois en mois sur l’idée fixe que j’ai d’avoir votre portrait à peu près fini [2]. Si un jour je me fâche, vous auriez beau jeu. Mais en attendant je rentre les cornes de mon indignation pour ne vous montrer que mon amour et je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 41-42
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette


11 janvier [1837], mercredi soir, 6 h. ½

Mon cher petit homme vous êtes bien cruel de vous être en allé aussitôt venu quand vous saviez que je vous aime au delà de toute expression et que je ne peux pas me passer de vous.
Mon cher petit bien aimé je vous tourmenterai jusqu’à ce que votre belle petite image soit achevée et encadrée. Ainsi n’espérez pas échapper à cette nécessité, j’irai plus tôt vous tenir nuit et jour par les pieds que de renoncer à mon cher petit portrait. Voici justement [illis.] qui entre, je veux absolument finir de t’écrire avant de faire cette affaire.
Mon bon petit Toto, mon chéri adoré je vous aime de toute mon âme.
Si je savais quelque chose qui peut vous faire plaisir j’irais le chercher sur le plus haut de la plus haute montagne, ou sur la pointe de la cathédrale la plus élevée. Ainsi, jugez si je vous aime ! Mon bon petit Toto chéri je voudrais bien vous avoir pour vous baiser de partout et vous adorer en pied.
Jour toi, jour vous, jour vieux chien, jour vieille bête. Mon bon petit Toto chéri je suis votre esclave à la vie, à la mort et puis je veux être un petit bien votre maîtresse aussi, ça fait que je vous adorerai et que je serai bien heureuse et bien joyeuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 43-44
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette


11 janvier [1837], mercredi minuit

Mon cher bien aimé, je ne te ferai aucun reproche pour n’être pas venu ce soir parce que je pense que tu as travaillé et que peut-être tu travailles encore. Mais il m’est survenu après que tu as été parti une si bête de chose que j’en ai les sens encore tout bouleversés, quoique j’aie eu bien le temps de me rassurer et de faire des conjectures. Voici ce que c’est : j’ai reçu une assignation pour comparaître comme témoin devant le juge d’instruction de 1ère instance demain 12 janvier, à 9 heures du matin. Maintenant qu’est-ce que c’est que le tribunal de 1ère instance et pour quel témoignage suis-je appelée, pour quelle affaire, c’est ce que j’ignore complètement, à moins que ce ne soit une réminiscence de l’affaire Ribot par Mme V., auquel cas il est bien absurde et bien maladroit de m’appeler comme témoin ou de me forcer à payer une amende. Dans tous les cas l’incident est fâcheux et nécessitait ta présence, car à moi toute seule je ne sais que résoudre et je me suis rudement affectée en recevant ce maudit papier.
Nous étions loin de penser hier en faisant cette plaisanterie sur ce hideux M. que nous étions sous le coup d’un abus pareil à celui qui nous faisait rire hier, mais qui aujourd’hui me semble révoltant. Il paraît que la justice n’est pas seulement aveugle mais qu’elle est muette aussi quand il s’agit d’informer les gens de ce qu’elle leur veut, enfin il fera jour demain. En attendant je ne veux pas finir cette lettre sans te donner un bonsoir bien tendre sur tes pauvres chers petits yeux malades.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 45-46
Transcription d’Erika Gomez assistée de Florence Naugrette

Notes

[2Est-ce le portrait de Hugo par Célestin Nanteuil, qui a déjà été présenté à Juliette et qu’elle trouvait peu ressemblant ?

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