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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 avril 1843, mardi, 12 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré, mon ravissant, mon toujours plus aimé petit Toto. Comment vont tes yeux et ta gorge ce matin ? As-tu pris du repos cette nuit ? Pourquoi n’es-tu pas venu déjeuner avec moi ? Tu le pouvais et nous aurions été très heureux. Moi du moins. Est-ce que tu avais quelque rendez-vous d’affaires pris pour ce matin ? Pauvre adoré, s’il en est ainsi, si ce n’est pas ta faute, si ce n’est pas indifférence de ta part je te demande pardon à deux genoux et je baise tes chers petits pieds. Si tu m’aimes, mon adoré, comme je l’espère, je ne peux pas avoir assez d’admiration et de reconnaissance pour ton courage et pour ton dévouement surhumain. Quand je me plains, c’est quand je crois que tu ne m’aimes pas et Dieu sait alors que mon désespoir se changerait bien vite en ingratitude. Ce que je veux, ce qu’il me faut, c’est ton amour, ton amour tout seul. Sois méchant et égoïste si tu veux mais aime-moi. Le jour où tu ne m’aimeras plus je mourrai mon Toto. Ce ne sont pas des banalités que je te dis là, c’est la vérité vraie et sainte comme Dieu la voit. Ma vie c’est ton amour.
Je renonce avec un vrai chagrin à la représentation de demain car après le plaisir de te voir et de t’entendre je n’en ai pas d’autre que celui de voir jouer ton admirable pièce. Je sens bien que tu as raison pour cette loge donnée à PradierPr. Il est fâcheux que ce soit avec mon bonheur d’une soirée qu’on fasse cette politesse. Je me résigne tant bien que mal dans l’espoir que tu viendras me prendre assez tôt pour que j’en voie quelque chose mais j’en doute. Enfin je me résignerai, c’est dit. Voilà cinq représentations bien bonnes, mon cher petit homme. Il est fâcheux que le moment soit si peu favorable mais après cela ce n’est qu’une question de moment. L’avenir n’y est pour rien et tout l’argent que tu perds dans ce moment-ci tu le retrouveras avec l’intérêt des intérêts à la reprise de ta pièce. Le malheur vrai c’est que cela t’oblige à un redoublement de travail et de fatigue qui peut te faire du mal. Voilà ce qui m’afflige et ce qui m’inquiète. Voilà pourquoi je suis si indignée et si exaspérée contre la malveillance d’une part, et contre l’incurie de l’autre. Il faut espérer que le bon Dieu aura pitié de toi et de moi et qu’il te donnera autant de force que tu as de courage, autant de santé que j’ai d’amour. En attendant je te bénis et je t’admire mon bon et noble Victor. Je t’adore à deux genoux mon sublime Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 25-26
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

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