Guernesey, 26 juillet 1860, jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon pauvre souffrant, bonjour, mon pauvre cher martyr ; bonjour, que Dieu te délivre le plus tôt possible de ce cruel bobo et t’envoie toute la patience et toute la résignation dont tu vas avoir besoin pendant quelques jours. Quant à moi, mon bien cher adoré, je n’aurai de courage à te voir souffrir qu’autant que je pourrai me dévouer à toi corps et âme. Aussi je te supplie de n’être pas avare de mes soins si tu les trouves bons et s’ils peuvent te soulager un peu. Je crains que tu n’aies passé une mauvaise nuit et que la période de grande souffrance ne commence aujourd’hui et je suis très malheureuse d’avoir une espèce de dîner aujourd’hui qui te fatiguera d’autant plus que tu ne veux pas qu’on sache que tu souffres [1]. Cependant il sera difficile de te mettre un cataplasme le soir si tu en as besoin sans que personne s’en doute. Il faudra nous entendre à ce sujet, mon pauvre adoré, ainsi que sur l’endroit où tu désiresa qu’on dresse la table : le lucoot il n’y faut pas y penser à cause du trop-plein. Il n’y a que le jardin mais je crains pour toi l’humidité du soir [2]. Tu verras ce qui te convient le mieux. L’important, mon cher adoré, c’est de diminuer ta souffrance par tous les moyens possibles. Je reçois à l’instant une lettre de Marquand qui se dégage pour ce soir d’une façon assez quelconque mais je l’absous. Je t’aime trop pour être sensible à autre chose qu’à ce qui te regarde.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 196
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « désire ».