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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juin 1860

Guernesey, 24 juin 1860, dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon tout bien-aimé. Bonjour, mon doux adoré, bonjour. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que tu dors encore, ne fût-cea que pour ne pas voir ce hideux temps plus propre à porter le diable en terre qu’à réchauffer le corps et à réjouir le cœur des pauvres humains. Quant à moi, j’ai très bien dormi car j’ai rêvé de toi toute la nuit, ce qui fait que je n’ai pas perdu de temps et que j’ai continué de t’aimer sans en perdre la conscience une minute. Aussi ce matin je vais très bien et je me sens capable de tous les bonheurs. Vous pouvez vous en convaincre en me mettant à même, telle est ma force : VOYONS A PRESENT VOTRE STYLE. Vous voyez d’après le mien style, que je suis d’avance bien heureuse puisque je vous souris au saut du lit comme une femme qui se croit sûre d’être aimée autant qu’elle aime. C’est bien vrai que je le crois, mon cher adoré, et il me serait bien impossible de vivre sans cette conviction qui est la joie de mon cœur et l’âme de mon âme. Aussi tu vois comme je me porte bien ce matin. J’espère que ta chère et généreuse femme aurab un grand succès demain dans sa bonne œuvre [1] et que c’est à qui s’empressera de délier les cordons de sa bourse pour lui donner des shillingsc en échange de son gracieux sourire et de ses beaux bibelots. Quant à moi je profiterai lâchement de la circonstance pour lui soutirer l’un et l’autre et je ne les croirai pas trop payés à quelque prix qu’ils soient. En attendant, je lui souhaite bonne chance et je t’aime sans marchander.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 165
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « auras ».
c) « chelings ».

Notes

[1Un bazar est tenu aux Assembly Rooms de Saint-Pierre-Port « pour l’établissement d’une crèche destinée aux enfants pauvres de l’île ». C’est Adèle Hugo qui prépare depuis déjà six mois cette vente en mettant à contribution les amis de la famille. On retrouve des objets appartenant à Alexandre Dumas, Paul Meurice, Émile De Girardin, George Sand... Victor Hugo lui-même donne ses œuvres reliées et achète quelques bibelots. Le gros lot de la vente est le résultat du travail de l’ébéniste Willcock qui réunit les encriers de Dumas, Sand, Lamartine et Hugo aux quatre coins d’un plateau à tiroirs (exposé à la maison Victor Hugo place des Vosges à Paris). Les Guernesiais ne seront pas séduits et on le retrouve dans une exposition d’objets curieux au profit des Workmen que Juliette qualifie dans la lettre du 6 janvier d’« exposition abracadabrante ».

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