Guernesey, 8 juin [18]70, mercredi matin, 5 h.
Bonjour, heureux père, bonjour, adorable grand Père, bonjour, bonheur ! Bonheur ! Bonheur ! Je ne te demande pas comment la nuit car, quelque qu’ellea ait été, tu as dû la passer en joie et en ravissements éveillé et dans ton rêve étoilé de Petit Georges et de Petite Jeanne. Quant à moi, j’ai très bien dormi pendant les trois premières heures. Le reste je l’ai passé à me rappeler les faits et gestes de ces deux petits échappés du ciel. Sont-ils assez éblouissants, DOUX ET CHARMANTS !!! Saint Médard [1] peut pleurer maintenant toutes les larmes de son corps sans me faire la moindre peine. J’ai une si grande provision de soleil, d’amour et de bonheur en ce moment que je me fiche de tous les autres, même de ceux du paradis. EST-CE CLAIR, AVEC DES GROSSES LETTRES ?
Ta pluie d’or a fait merveille hier soir, non seulement dans la soupe de Petit Georges et de Petite Jeanne et de leurs augustes parents, mais dans les écuelles de tes servantes et des miennes ; quel assaisonnement aux patates et au leg de mouton ! Cela va rendre mon dîner bien fadasse aujourd’hui. En fait de somptuosités je me fendrai d’un paquet de cure-dents tant pis pour ceux qui n’en n’ont pas, de dents, je m’en bats l’œil.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 159
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « quelqu’elle ».