Paris, 13 juin [18]72, jeudi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon cher grand bien-aimé, je te pardonne ta monstrueuse jalousie physique et morale d’hier soir à condition que tu auras bien dormi par-dessus elle et que tu m’en aimes d’autant plus ce matin [1]. Quant à moi j’ai dormi du sommeil de l’innocence le plus serré au point d’en avoir encore les yeux à moitié fermés ce matin. Je les ouvre pour te sourire et te rappeler que je t’adore. Je crains, mon pauvre bien-aimé, qu’on ne te demande une chose bien triste et bien fatigante pour toi, celle d’assister à l’enterrement de ce pauvre Chilly [2]. Il me paraît impossible que la famille n’aspire pas à ce suprême honneur et il me semble difficile que tu le leur refuses. Cette pensée me tourmente doublement pour toi à cause de l’émotion douloureuse qu’elle réveillera dans ton cœur si récemment éprouvé par ton Charles et aussi par le danger qu’il y a à faire une longue marche la tête découverte et au soleil. Penses-y, mon adoré, et ne fais pas d’imprudence.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 165
Transcription de Guy Rosa
13 juin [18]72, jeudi, 3 h. ½
Mon cher adoré, s’il y a quelqu’un ou quelque chose entre toi et moi ce n’est pas de mon fait et je n’en ai aucune conscience. Tout ce que je sais, c’est que je t’aime uniquement, sincèrement, fidèlement et saintement et que je veux ne jamais revoir ma fille ni toi dans la vie future s’il y a sur la terre quelqu’un que j’aime plus que toi et je signe J.
Maintenant mon adoré souris-moi comme je te souris et confie-toi à moi comme je me confie à toi [3].
BnF, Mss, NAF 16393, f. 166
Transcription de Guy Rosa