Paris, 2 mai [18]72, jeudi matin, 7 h.
Bonjour, mon cher grand bien-aimé, comment a été la nuit ? As-tu mieux dormi que la précédente ? J’ai le cœur serré en pensant à tes tristesses et à tes tourments. Je voudrais qu’il fût en mon pouvoir de te les épargner, malheureusement je n’y peux rien qu’en souffrir avec toi. Je crains que tu n’ailles à l’extrémité de ton mécontentement que tout autour de toi surexcite à qui pire pire et que tu arrives à des choses irréparables dont la Petite Jeanne souffrirait autant que toi. Pense à cela, mon pauvre grand Père éprouvé, et ne brusque rien, je t’en supplie avec ce que j’ai de meilleur et de plus tendre dans le cœur ; sois prudent dans l’intérêt même de cette pauvre petite fille victime d’un conflit de servantes aussi bêtes et aussi féroces les unes que les autres entre elles [1]. Mieux vaut encore un peu de Petite Jeanne tous les jours que pas du tout. Ne risque pas, je t’en supplie, les dernières joies de ta vie pour des chamailleries de domestiques qui ne prennent autant d’importance que par l’attention que tu y mets. Tu as raison, mon cher bien-aimé, les 360 F. que j’ai payés en mon nom à Charroin entrent en déduction du mémoire général des travaux faits dans ta maison. C’est donc 960 F. [d’] acompte qui ont été donnés sur la somme totale de 1315 F. 95 – il reste encore à payer 355 F. 95. Je crois que tu feras bien de te débarrasser de cette dette le plus tôt possible. Pense à moi, mon adoré, et aime moi comme je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 121
Transcription de Guy Rosa