Guernesey, 17 mai [1870], mardi matin, 6 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, je n’ose pas te demander des nouvelles de ta nuit tant j’ai peur qu’elles ne soient pas bonnes. Depuis quelque temps tu es harcelé par toutes sortes de tiraillements plus ou moins agaçants, sans compter le coup de pied… guernesiais qu’on voudrait te lancer à propos de cet impôt aussi inepte qu’inique [1]. Tu as beau être aguerri contre la bêtise humaine et contre toutes les mauvaises chances de la destinée, tu n’en souffresa pas moins chaque fois qu’une nouvelle piqûre te frappe dans ton droit, dans ta dignité, dans tes affections. Je donnerais tout au monde, en dehors de mon amour, pour que tu aies un peu de tranquillité et de contentement aujourd’hui du Rappel et de tes enfants. En attendant je t’adore avec ce que j’ai de plus ardent, de plus vénérable et de plus sain en moi. Ma patrie, ma vie, ma joie et mon bonheur, c’est toi. Là où tu te trouves bien je suis heureuse et partout et toujours je t’aime.
J.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 136
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « souffre ».