22 mars 1870

Guernesey, 22 mars [18]70, mardi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé adoré, bonjour, comment as-tu passé la nuit ? « That is the question » que ma pensée et ma plume te posent tous les matins sans espoir de réponse immédiate puisque je ne te vois que bien tard, après midi. Enfin j’y supplée de mon mieux par le désir ardent que j’ai que toutes tes nuits soient bonnes et journées aussi. Je te remercie, pour ma part, d’avoir pensé à inviter les de Putron pour jeudi prochain, tout ce qui t’est agréable me le devient encore plus à moi-même. Ainsi ne te gêne pas car ma maison est la tienne et je suis trop heureuse d’y servir tous ceux que tu y admets. Ma bonne grâce et ma bonne volonté n’ont de limite que dans ma force et dans celle de Suzanne qui commence à décamper tous les jours avec armes et bagages sans en demander la permission. Donc jeudi grand couvert et CRÊPES en l’honneur de L’AMI CARÊME [1]. ÊTES-VOUS CONTENT, MÔSSIEUR ? Si vous vous l’êtes TOUT L’EST et moi plus encore que tout le monde, ATTRAPÉ !! Quant au printemps, ni vu, ni connu, c’est à croire qu’il n’a jamais existé que dans l’imagination des poètes  !!! Je vous décroche ce fort cliché suivi de celui-ci : JE T’ADORE.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 82
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette