Guernesey, 4 octobre 1860, jeudi matin, 8 h.
Déjà levé, mon cher petit homme, et déjà armé de toutes pièces : peigne et brosse à la main ! Je vous en fais mon compliment car le temps est charmant ce matin et moi je vous aime comme un printemps. Je viens de te faire une petite télégraphie d’amour à laquelle tu as répondu, mon cher bien-aimé, et le cœur m’en saute de joie comme si c’était la première fois que ta tendresse se révèle à moi. Merci, mon adoré, merci de ce bonheur matinal auquel je ne m’attendais pas. Sois heureux autant que je t’aime, je te bénis. As-tu vu Kesler hier au soir et lui as-tu accordé son pardon ? Je crains qu’il ne se soit pas trouvé chez lui quand Marie est allée lui faire ta commission [1]. Il viendra probablement dans la journée car il doit avoir hâte de se faire gracier par toi et par ta femme. Quoique et parce que il le mérite peu. Tu feras bien néanmoins de lui octroyer son pardon pour qu’il puisse lui servir en même temps de leçon de discrétion et de loyauté dont il a tant besoin. Mais tu sais mieux que personne ce que tu as à fairea en toute chose et moi je n’ai rien de mieux à faire que de te demander conseil en toute chose aussi et, séance tenante, je te demande si tu trouveras bon que j’invitasse les Vilainb à venir prendre une tasse de café demain matin chez moi avant leur embarquement [2] ? Leur marmitec et leur cafetière étant entièrement renversées et les jeunes museaux pouvant être affamés à cette heure-là, je te demande s’il ne serait pas bien de leur donner quelques tartines qu’ils rendront s’ils veulent à l’océan une heure après. Mais je ne le ferai que si tu le trouves bon. En attendant, je t’aime sans mais, sans [CANT ?] et sans SCIE.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 260
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette
a) « affaire ».
b) « Vilains ».
c) « marmitte ».