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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juin 1872

Paris, 27 juin [18]72, jeudi matin, 9 h.

Bonjour, mon grand bien-aimé, je t’aime et je te souris si tu as bien dormi comme je l’espère. Quant à moi je ne me vante pas de ma nuit c’est tout ce que je peux en dire de mieux. E. Allix doit venir aujourd’hui ou demain savoir au juste de quoi je me plains. En attendant je passe mon temps à écouter les pas qui vont et viennent dans mon mur ce qui n’est pas autrement effrayant. Sais-tu qui nous aurons à dîner ce soir ? Pour moi je n’en sais absolument rien et je trouve cela bête car il est inutile de faire des dîners qui ne sont pas mangés. Enfin, à tout hasard, je vais faire comme si tu attendais nombreuse compagnie. J’ai lu ce matin au petit point du jour le bel article de Catulle Mendès dans L’Avenir National, il est vraiment bien beau d’un bout à l’autre [1]. Je n’y critique que le mot embrassade qui me semble trop féminin pour une chose si mâle. Après ça ce qui choque mon ignorance est peut-être l’expression juste, je ne demande pas mieux ; tel qu’il est, cet article est un des plus enthousiastesa qu’on ait écritsb sur L’Année Terrible [2] et j’en aime l’auteur, toi, je t’adore, voilà la proportion.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 183
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « enthousiaste ».
b) « qu’on ait écrit ».

Notes

[1Catulle Mendès publie, le 26 juin 1872, dans sa rubrique des Études littéraires dans le journal l’Avenir National un article consacré à l’Année Terrible. Éloge dithyrambique dans lequel il loue à la fois l’auteur et l’œuvre, en commençant par ces mots : « Ce que je pense de ce livre ? Qu’il est sublime. […] Il est souvent impossible et presque toujours oiseux de détailler les perfections d’un ensemble grandiose. » Il y compare Victor Hugo à Moïse, à la fois proche de la divinité et du peuple souffrant dont il devient le guide. « Victor Hugo ne pense point ainsi. Il affirme et démontre que le vers ne s’abaisse point en se mêlant aux proses pour les éclairer et les consoler ». Selon ses mots, Victor Hugo y mêle à la fois une juste colère et un pardon consacré pour l’humanité et ses crimes. Il loue la profusion des idées, la justesse des images, la beauté et la rythmique du vers, sans cesse renouvelé.
Juliette critique quant à elle l’utilisation du terme « embrassade » dans cette formule : « son livre est comme une vaste embrassade ouverte à tous ceux qui souffrent ».

[2L’Année Terrible est un recueil de poèmes consacrés aux événements de 1870, la guerre contre la Prusse, et de 1871, la Commune, publiés le 20 avril 1872.

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