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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 14 novembre, [18]65, mardi matin, 7 h. ½

Je vous guettais, cependant, mon cher petit matinal, et vous m’avez échappé avant que j’aie pu vous saisir au moment où vous attachiez votre signal [1]. J’en suis confuse et piteuse comme si c’était de ma faute et cependant Dieu sait si j’aurais été heureuse de vous prendre sur le fait de piochage extra matinal. N’ayant pas pu parvenir à mon but, je suis revenue me coucher pour vous contera mes doléances et mes regrets. J’espère que tu as passé une bonne, bonne nuit, de tout point pareille à la mienne qui a été excellente. Mon bobo [2] décroît lentement mais sûrement, ce qui vaut mieux, je crois, que de l’avoir fait disparaître brusquement. Je te tiens au courant de toutes mes misères parce que tu l’exiges absolument, car autrement je ne t’en parlerais pas et je ferais bien. J’espère ne pas oublier de te rappeler que tu veux faire une visite aujourd’hui à Mme M [3]. J’aurai aussi à dire de ta part plusieurs choses à Marie, pour ton festival de demain [4], quand elle viendra compter ce matin. Quant à moi, j’ai déjà chez moi Tom Gore qui remet des cordes de tirage aux fenêtres des étages supérieurs. Car, outre la laideur et l’incommodité de ces susdites fenêtres, il y a des frais énormes pour leur entretien, ce qui ajoute encore à leur inconvénient. Ce cri DOULOUREUX, je le pousse DEUX FOIS : pour toi, le NUD propriétaire [5], YÉ [6] pour moi, l’USURFRUITIERE de cet IMMEUBLE charmant, malgré ses hideuses fenêtres. Sur ce, baisez-moi et aimez-moi, je vous l’ordonne. Je vous adore, fichez-vous-le dans la boule.

BnF, Mss, NAF 16386, f. 175
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « compter ».

Notes

[1Voir Torchon radieux.

[2Juliette souffre de pyrosis depuis le début du mois.

[3La femme de Henri Marquand, Martha de Garis.

[4Victor Hugo reçoit le lendemain à Hauteville House plusieurs de ses amis : MM. Marquand, Kesler, Talbot, Le Ber et Pyrke.

[5« Nud » est l’ancienne graphie de « nu ». Le « nu propriétaire » désigne le propriétaire d’un bien qui ne dispose pas de la jouissance de ce bien, l’usufruit. En effet, le 18 avril 1864, Victor Hugo achète pour Juliette la maison au n° 20 de la rue Hauteville.

[6« Et » : imitation du parler normand.

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