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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 avril [1842], vendredi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon Toto bien aimé, comment va notre cher petit enfant [1] ? J’ai pensé à lui et à toi toute la nuit. J’ai rêvé de toi et de ta maison aussi toute la nuit. Je suis impatiente de savoir comment vous allez tous les deux, mes pauvres amours. Tâche de venir un moment dans la matinée, mon cher petit homme, pour me tranquilliser. Clairette va bien, et pour cause, c’est une inquiétude de moins sur toutes les autres. Elle me prête une feuille de papier pour t’écrire en attendant que la bonne en achète. J’espère, mon Toto chéri, que la pluie n’aura pas mouilléa tes petits pieds cette nuit ? Il faut bien prendre garde à cela dans cette saison et surtout toi qui as toujours le sang à la tête. Je voudrais pouvoir t’abriter dans mon cœur. Je donnerais ma vie pour toi et tous ceux que tu aimes pour vous épargner une douleur.
Si tu peux prendre un moment sur ton travail et sur les soins que tu donnes à notre cher petit malade, viens me voir, mon Toto, tu me donneras dans un baiser du courage, de la confiance et de la joie pour toute la journée pourvu que le petit enfant aille mieux. Mon Toto bien aimé, je suis tout en toi et tout amour pour toi. Ma vie se passe à te désirer et à t’aimer. Je n’ai pas une pensée qui ne soit à toi, pas une action, pas un mouvement qui ne t’aitb pour but et pour cause. Je ne suis pas, malheureusement, l’ombre de ton corps [2] mais tu es bien véritablement la vie et l’âme du mien. Je baise le front de mon pauvre petit malade et tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 277-278
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « mouillés ».
b) « t’est ».


15 avril [1842], vendredi après-midi, 4 h. ¼

Je suis bien tourmentée de ne pas te voir, mon pauvre petit bien aimé, je me figure que c’est que ton petit garçon est plus malade [3] et cela me rend la plus impatiente et la plus malheureuse des femmes. Le vent est à la maladie : la pauvre petite Lanvin est au plus mal d’une fluxiona de poitrine. Suzanne l’a su du père Lanvin qui tenait la place de sa femme au marché ce matin. Ces pauvres gens sont vraiment bien cruellement et bien souvent frappés. Mais toi, mon cher bien¬ aimé, comment va ton petit Toto ? Je ne pense qu’à ça et je me tourmente de ton absence comme si elle signifiait qu’il est plus malade qu’hier. Je voudrais te voir, mon adoré, je donnerais de mes années pour avancer chaque minute qui me sépare de toi. Je suis toujours bien malheureuse de ton absence, mais quand l’inquiétude se mêle à cela, c’est à n’y pas tenir. Je t’aime trop, mon pauvre ange, c’est de plus en plus vrai, mais je ne saurais t’aimer moins. J’ai envoyé chercher ta montre qui est prête. Lafabrègue est venu, je lui ai donné sesb 10 s. J’attends encore Mignon mais je n’ai plus que son argent [4]. Juste après ça nous n’aurons plus de vin et bientôt plus d’huile à brûler et toujours ainsi à recommencer. Enfin, mon pauvre adoré, ce n’est pas à moi à me plaindre qui ne fais rien et qui ne suis bonne à rien qu’à t’aimer de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 279-280
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « fluxtion ».
b) « ces ».

Notes

[1François-Victor Hugo. D’une santé très fragile quand il était enfant, il tombera très souvent malade. Depuis le début du mois de février il souffre d’une grave maladie pulmonaire qui connait beaucoup d’améliorations et de rechutes dont la convalescence n’interviendra qu’à l’automne.

[2Les Voix intérieures, XXVIII « Pensar, dudar », 1837 : « Enfants ! résignons-nous et suivons notre route. / Tout corps traîne son ombre, et tout esprit son doute. »

[3François-Victor Hugo. D’une santé très fragile quand il était enfant, il tombera très souvent malade. Depuis le début du mois de février il souffre d’une grave maladie pulmonaire qui connait beaucoup d’améliorations et de rechutes dont la convalescence n’interviendra qu’à l’automne.

[4C’est tous les dix du mois environ que les créanciers de Juliette viennent récupérer les sommes qu’on leur doit. Or, le 12 avril, elle n’a pu payer que Mme Gérard : il ne lui restait plus rien pour Lafabrègue ni pour Mignon.

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