Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 – Lettres datées > Novembre > 6

6 novembre [1835], vendredi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, mon Victor chéri, comment vont tes yeux ce matin ? Comment as-tu passé la nuit ? Comment m’aimes-tu ?
Je suis très fatiguée, moi, j’ai très mal à la tête, mais je t’aime de toute mon âme. Je voudrais que tu en fusses bien sûr parce qu’alors il y aurait moins de mésinterprétation entre nous, et que nos conversations seraient plus coulantes.
Je ne sais pas quel temps il fait au dehors mais je n’y vois pas pour t’écrire malgré les volets ouverts. Je pense à tes pauvres yeux, mon cher bien-aimé, et je les plains d’être obligésa de faire leur service dans ces affreuses ténèbres. Je voudrais bien pouvoir te prêter les miens quoiqu’ils ne soient guère meilleurs mais enfin ils ménageraient les tiens. Ce serait toujours cela.
Je voudrais bien te voir, mon pauvre ange, pour te donner de l’amour et pour t’en demander, car nous avons été bien serrés hier. Tout l’amour que nous avions en nous n’a pu se faire jour. Aussi en aurons-nous beaucoup à nous donner quand nous nous verrons. On m’apporte à l’instant une lettre de la poste adressée au boulevard St Martin, puis rue de l’Échiquier, et enfin ici [1]. J’ignore ce qu’elle contient. Tu la verras tantôt. A bientôt, mon amour. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 88-89
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « obligé ».


6 ?a 6 novembre [1835], vendredi soir, 8 h. 20 m. [2]

Je vous dis que vous êtes mon Toto, je vous dis que nous sommesb l’un à l’autre plus féroces et plus bêtes que ne le seraient des tigres et des ours. Je vous dis que je vous aime et que je vous tuerai si vous vous en allez. Est-ce assez clair ? Je vous dis en outre que toutes vos stupides jalousies ne m’empêchent pas d’être la plus heureuse femme du monde quand vous daignez me sourire et que vous me dites que vous m’aimez. Ainsi plus de chagrin, plus d’étouffements, plus de craintes, plus de soupçons. Vous êtes mon Toto comme je suis votre Juju. Vous me croyez parce que je vous dis bien la vérité et voilà tout. D’ailleurs je vous aime, et puis je vous bats, et puis je vous adore. Donc vous n’avez pas le droit de me quitter pour aller courir la prétentaine. Aussi vous ne serez plus triste, vous serez gai et moi aussi. Et nous [nous] embrasserons comme deux bons petits amoureux qui ont bien de l’amour à se reprocher l’un l’autre.
Et puis, et puis, je ne vous dis que cela pour le moment parce que j’ai beaucoup de bobos, mais vous verrez ce qui en sera quand vous viendrez m’apporter votre jolie petite main à baiser.

J.

BnF, Mss, NAF 16325, f. 90-91.
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) Note rajoutée sur le manuscrit d’une main différente de celle de Juliette, pour corriger le 4 écrit par elle à la place du quantième.
b) « nous nous sommes ».

Notes

[1De février 1832 à novembre 1833, Juliette est en contrat avec le Théâtre de la Porte-Saint-Martin, situé au 16 boulevard Saint Martin. Elle occupe alors une chambre chez Laure Krafft au 5 bis, boulevard Saint-Martin, comme l’atteste cette erreur d’adresse (voir NAF 16322, f. 5-6). Elle habite ensuite au 35 bis, rue de l’Échiquier puis au 4 bis, rue de Paradis du 20 juillet 1834 jusqu’à l’automne 1834 où elle déménage pour le 50, rue des Tournelles, où elle vit à cette date.

[2Le 4 novembre 1835 correspond à un mercredi. Cette lettre a donc bien été écrite le vendredi 6 novembre 1835, comme le suggère la note rajoutée sur le manuscrit.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne