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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 octobre [1835], vendredi matin, 9 h.

Bonjour, mon pauvre petit Toto, bonjour, mon cher petit homme. Sans doute tu auras encore travaillé cette nuit jusqu’à tomber de fatigue et c’est à cause de cela que je ne t’ai pas vu ce matin.
Pauvre cher Toto, il m’est impossible d’approuver cet excès de dévouement. Il m’est impossible aussi de n’être pas triste et tourmentée en songeant que tu exposes toutes les nuits ta santé et notre bonheur.
Je me suis réveillée plusieurs fois cette nuit et chaque fois en pensant à toi et en désirant que tu fusses couché et endormi avec ma pensée en rêve. Je serai bien contente si tu as réalisé une partie de mes désirs.
J’ai encore bien mal à la tête ce matin et bien mal à l’estomac et aux entrailles. Il est probable que tous mes maux viennent de l’affreux ordinaire que cette fille me fait faire depuis huit jours et du mauvais sang et des impatiences qu’elle me donne. Heureusement que c’est aujourd’hui le dernier jour [1]. Ouf.
Mon bon petit homme chéri, je ne sais pas si j’aurai le bonheur que tu viennes de bonheur [2] aujourd’hui mais dans tous les cas, je ferai mon possible pour n’être pas inquiète ni jalouse et que je t’aimerai de toutes les forces de mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 64-65
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


30 octobre [1835], vendredi soir, 8 h. ½

Mon bon petit Toto, je viens de lire ce que tu m’as donné à présent et il se trouve que c’est justement ce que je pense et ce que je sens que ces gens-là expriment. Seulement, moi, j’y ajoute de l’amour, ce qui ne gâte rien à l’admiration.
Pauvre cher petit bien-aimé, tu avais l’air très triste et préoccupé ce soir. Tu m’as dit que c’était les souvenirs de ce pauvre jeune homme qui t’attristaienta, mais moi je crains que ce ne soit la fatigue de cette nuit, ce qui m’inquiète plus que je ne te le laisse voir. Aussi je voudrais pouvoir vivre avec 4 sous par jour pour t’épargner cet affreux travail de toutes les nuits. C’est pourquoi je suis si indignée contre ces horribles créatures [3] qui viennent dans ma maison sous prétexte de la nettoyerb et de la ranger ; voler, détruire et ronger comme d’immondes rats toutes nos économies, et tout le fruit de tes veilles. Je voudrais pouvoir les empoisonner avec des boulettes comme des animaux infects qu’elles sont.
Pauvre cher petit Toto, je t’aime de toute mon âme. Je voudrais bien te voir. Je serai bien heureuse et bien ravie si c’est tout de suite. Le garçon épicier est venu et ma soûlarde est toujours soûle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16325, f. 66-67
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « t’attristait ».
b) « nétoyer ».

Notes

[1Juliette a donné congé à sa bonne pour ivrognerie.

[2Jeu de mots peut-être volontaire.

[3Usuriers et autres créanciers à qui elle doit encore de l’argent.

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